Vénézuela. Le deuxième mandat de Nicolas Maduro placé sous le signe de l’illégitimité

  • il y a 5 ans
Le président Nicolas Maduro entame ce jeudi un deuxième mandat de six ans au Venezuela avec un soupçon d’illégitimité qui laisse présager un plus grand isolement international, dans un pays en proie à la pire crise économique de son histoire récente.

Nicolas Maduro, 56 ans, a prêté serment à 14 h devant le Tribunal suprême électoral (TSJ) et non devant le Parlement, seule institution aux mains de ses opposants après sa réélection le 20 mai 2018 lors d’un scrutin boycotté par l’opposition et contesté par une partie de la communauté internationale.

Parallèlement, l’Organisation des États américains (OEA) tient jeudi à Washington une session extraordinaire sur la situation au Venezuela.

La semaine dernière, à l’exception du Mexique le Groupe de Lima --qui rassemble depuis 2017 des pays d’Amérique latine et le Canada-- avait exhorté le président socialiste à renoncer à son deuxième mandat et transférer les pouvoir au Parlement. Un encouragement à faire un coup d’État, a dénoncé Caracas. Mercredi, M. Maduro a menacé les pays du Groupe de Lima de représailles diplomatiques s’ils ne revenaient pas dans les 48 heures sur leur position.



La Colombie qualifiée de « plus grand ennemi du Venezuela »
Il a dénoncé en particulier un point de leur déclaration commune prenant le parti du Guyana --membre de ce groupe avec l’Argentine, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Panama, le Paraguay, le Pérou et Sainte-Lucie-- dans un conflit territorial avec le Venezuela

Et il s’en est aussi pris au Pérou, qui a annoncé lundi lui interdire l’entrée sur son territoire ainsi qu’à plusieurs membres de son gouvernement, et à la Colombie qualifiée de « plus grand ennemi du Venezuela ».

L’Union européenne, qui a réitéré mardi son appel à des élections « libres » au Venezuela, et le Groupe de Lima (sauf le Mexique) n’enverront pas de représentant à la cérémonie d’investiture. Parmi les pays représentés figurent la Bolivie, Cuba, le Salvador, le Nicaragua, la Chine, la Russie et la Turquie.

Ce nouveau mandat coïncide avec l’entrée en fonction au Brésil du président d’extrême droite Jair Bolsonaro qui devrait prendre la tête d’une coalition régionale, soutenue par les États-Unis, contre un régime qu’il qualifie de « dictatorial ». Washington a annoncé de nouvelles sanctions financières contre des personnalités et des entreprises au Venezuela.

« Je ne pense pas qu’il y aura une rupture massive des relations, mais une dégradation importante du niveau » de celles-ci, estime l’expert en relations internationales Mariano de Alba.



Une hyperinflation de 1 350 000 % en 2018
« Quiconque ne reconnaît pas la légitimité des institutions vénézuéliennes recevra une réponse réciproque et opportune et nous agirons très fermement », a mis en garde lundi le président vénézuélien. Au moment de fêter les 20 ans de la « Révolution bolivarienne » déclenchée par l’ex-président Hugo Chavez (1999-2013), il se dit plus fort et légitime que jamais.

Il a reçu mardi l’appui de l’armée qui a exprimé « son soutien inconditionnel ». Mais le panorama est des plus sombres pour un pays jadis prospère, qui se retrouve non seulement isolé mais ruiné. L’hyperinflation a atteint 1 350 000 % en 2018 et la population est épuisée par les pénuries.

« Le Venezuela ne va pas changer avec Maduro à la présidence, on ne trouve pas de médicaments, les gens ont faim », a déploré auprès de l’AFP Gleidimir Peña, 23 ans, décidé à émigrer au Pérou.

Et l’exode le plus massif de l’histoire récente d’Amérique latine devrait se poursuivre : l’ONU estime que 2,3 millions de Vénézuéliens ont déjà fui leur pays depuis 2015 et prévoit que ce chiffre grimpe à 5,3 millions en 2019.Face à l’écroulement de la production de pétrole du Venezuela doté pourtant des plus grandes réserves mondiales, à 1,17 million de barils/jour aujourd’hui contre 3,2 mbj en 2008, Nicolas Maduro a invité ses alliés à investir, dans le brut mais aussi l’or, le diamant et le coltan.



Ses opposants ont tout tenté
Des manifestations qui ont fait près de 200 morts, un référendum révocatoire bloqué par la justice, un intense lobbying pour des sanctions internationales : les adversaires du président ont tout tenté pour l’évincer. Mais l’opposition est divisée, engluée dans des luttes de pouvoir et ses principales figures sont en prison ou en exil.

Le Parlement est impuissant, toutes ses décisions étant annulées par la justice. Ses prérogatives sont désormais aux mains de l’Assemblée constituante, inféodée, elle, au régime.

Samedi, le Parlement s’est déclaré seul pouvoir légitime, annonçant qu’il allait former un « gouvernement de transition » avant de nouvelles élections mais sans feuille de route claire.

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