Témoignage n°5, lu par Muriel Salmona
  • il y a 9 ans
Attention ce témoignage parle de violences sexuelles, il peut heurter la sensibilité de certains spectateurs.

Lectrice :
Muriel Salmona

Réalisation : Catherine Zavlav et Cécile Nicouleaud
Image : Vincent Tulli
Assistante mise en scène : Sandra Moreno
Montage : Louis Beaugé de La Roque
Musique : Malik Ati
Mixage : VTP
Maquillage Marine Girondeau
Photos : Jérôme Godgrand
Régie : Tanya Artioli
Infographie : Christine Bruneteau
Etalonnage Cécile Nicouleaud

texte du témoignage :
Témoignage n°5, lu par Muriel Salmona

« Chef d’entreprise en faillite. Tout a été très vite : mon conjoint a pris la fuite, les huissiers, la dépression, anorexie. Devenue SDF, je suis entrée en clinique pour hypersensibilité. Là, j’ai rencontré une patiente qui m’a dit qu’elle pouvait m’aider et qui m’a donné les coordonnées d’un établissement.

Je m'y suis rendue. Je devais servir du champagne. Ils m'ont offert un verre. Je l'ai bu puis je me suis réveillée dans un lit avec trois hommes. On m’a dit qu’une vidéo avait été faite et que si je ne voulais pas d’ennuis, je devais travailler pour eux. Je suis restée dans ces établissements pendant 3 ans. Comme j’étais instruite, j’étais réservée aux clients huppés.

Dans ces établissements, l’enfermement est total. On ne sort jamais. Il y a deux portes en métal, verrouillées. Plus de 500 clients /mois. Je travaillais 24h/24. Nos papiers nous étaient retirés. Nous avions un lit superposé pour 12 filles. Je ne dormais pas. Je m'évanouissais.

J'étais hors du monde : emprisonnée. Il faut vivre dans l’agressivité, l’alcool, la drogue.
Dans ce milieu, les filles ne parlent pas. C’est trop dangereux. Aucune n’est venue d’elle-même. Elles souffrent toutes. Il y a la mort derrière, des suicides, des femmes qui disparaissent, se scarifient.

Les clients m’horrifiaient, j’en fais encore des cauchemars. Il y a des viols, des perversions. J’avais peur tout le temps. Je pensais que j’allais mourir. Il y a la maladie : maladie des dents, IST... Moi, j’avais une stratégie pour ne pas me souvenir de l'acte. Je faisais toujours la même scène. Pour se protéger, il faut sourire. Sinon on pleure tout le temps. J'étais sur youpie. Ce site est à la prostitution ce que booking.com est à l’hôtellerie, sauf que la chambre d’hôte que l’internaute recommande ou dont il se plaint, c’est une femme.

J’ai su m’enfuir. Aujourd’hui, je ne parviens pas à me réinsérer dans la vie normale. Je suis confinée chez moi. J’ai peur de tout. Toutes les violences que j’ai subies, tout l’enfermement polluent ma vie. Je n’ai encore retrouvé le sommeil que par tranches de deux heures. Je suis très agitée, je me cogne, me violente. Je me réveille avec des douleurs partout.

Il faudrait une structure pour ce moment d’entre deux et de bons psys. Il faut que tout cela s’arrête, que la loi fasse le nécessaire pour pénaliser ceux qui recourent à la prostitution. Le paiement ne vaut pas l’acte. C’est du viol, de l'esclavagisme moderne. »
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