Témoignage n° 7, lu par Willy Da Flow
  • il y a 9 ans
Attention ce témoignage parle de violences sexuelles, il peut heurter la sensibilité de certains spectateurs.

Lecteur :
Willy da Flow

Réalisation : Catherine Zavlav et Cécile Nicouleaud
Image : Vincent Tulli
Assistante mise en scène : Sandra Moreno
Montage : Louis Beaugé de La Roque
Musique : Malik Ati
Mixage : VTP
Maquillage Marine Girondeau
Photos : Jérôme Godgrand
Régie : Tanya Artioli
Infographie : Christine Bruneteau
Etalonnage Cécile Nicouleaud

texte du témoignage :
Témoignage n°7, lu par Willy da Flow

« Je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à te dire. Je peux te raconter l’histoire. L’oubli des faits durant 32 ans. 32 années à savoir que j’avais été violée enfant, mais sans images et sans visages, sans nom.
Seul mon corps parlait à ma solitude, je me croyais un peu folle, et différente, avec tant de doutes. Le mal-être dans mes racines de l’enfance. Une douleur permanente dans ma poitrine, ressemblant au désespoir, à la tristesse profonde et à la peur.
Je peux te raconter les heures de thérapies, thérapie sous toutes ses formes, dont chaque soignant est resté comme un mur pour moi. Toutes ces salles d’attente où j’ai attendu sans avancer d’un pouce. Tout cet argent donné sans rien recevoir. Tous ces choix personnels qui m’ont amenée à la destruction de mon être, drogues, alcool, relations violentes, situations dangereuses.
Je peux te raconter comment à 40 ans tout est revenu. Le nom et le visage de « l’homme monstre » enfin révélé. Je peux te raconter les démarches sociales, administratives, les témoignages, mes questions, mes doutes, mes crises d’angoisses, les révélations faites à mes parents et même à ma fille qui faisait des cauchemars à cause de « ça ».
Les réactions de chacun, tout ce que cela a engendré dans ma vie personnelle, intime et sociale. Je peux te raconter les filles de l’homme, qui m’ont traitée de menteuse. L’homme lui-même qui voulait porter plainte contre moi. Toutes les larmes dans les bureaux de la justice.

J’ai demandé qu’on me laisse finalement tranquille. Je peux te raconter toute la déconstruction de mon édifice intérieur pour tout recommencer à 40 ans comme une petite fille.
Je peux te raconter un tas de choses. Mais pour quoi faire ? Pour qui ? Puisque finalement je n’arrive pas à te dire, à te dire vraiment ce que j’ai vécu dans mon corps, mon cœur et mon esprit. Je ne sais pas. Je reste avec toutes ces questions commençant par un « si ».
Si cela ne m’était pas arrivé, qui serais-je aujourd’hui ? Ma vie et mes choix auraient-ils été les mêmes ?
Je mourrai avec mon histoire volée et blessée, c’est ainsi, je l’accepte à présent, même si je me vis encore comme une erreur.
La seule chose que j’ai pu faire est de prévenir la justice pour qu’au moins « celui-là » soit arrêté dans ses élans. Et pourtant, je l’ai croisé encore aujourd’hui… Nous vivons dans la même ville.
Mais tu sais, aussi je peux te raconter que je sais aimer et danser, malgré tout, lui non. »
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