Comme chaque jour dans le Live, Roselyne Dubois et ses invités répondent à vos questions sur l'actualité.
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00:00Souvenez-vous, ces deux immeubles insalubres, en plein cœur de la deuxième ville de France, qui se sont effondrés, faisant huit morts.
00:07Ils étaient tous locataires. Souvenez-vous ces images impressionnantes des gravats. C'était le 5 novembre 2018.
00:13Aujourd'hui, six ans après, entre le numéro 63 et 67 au même endroit, regardez ce grand vide.
00:19La dent creuse, comme on l'appelle, et les familles des victimes qui attendent des réponses.
00:23Qui est responsable ? Y a-t-il des élus sur le banc des accusés ? Interroge David. On va en parler avec vous, Benjamin Dubois.
00:29D'abord, c'est un procès hors norme qui s'ouvre. Expliquez-nous, qui est jugé ?
00:34Eh bien, Roselyne, il y a 16 prévenus. Tous les maillons de la chaîne du logement vont être représentés sur le banc des prévenus.
00:42Une dizaine de copropriétaires, il leur est reproché de n'avoir pas réalisé les travaux nécessaires à la sécurisation de l'immeuble, mais aussi un syndic, le cabinet Lyotard,
00:51qui était le syndic du 65 de la rue d'Aubagne depuis plus de 10 ans. L'enquête a mis en évidence une administration défaillante de l'immeuble,
00:59voire, je cite, « une incompétence certaine de ses gestionnaires ». Le bailleur social Marseille Habitat est lui soupçonné d'avoir laissé se dégrader
01:07l'immeuble inoccupé du 63 rue d'Aubagne. Un ex-adjoint au maire de Marseille, le maire de Marseille à l'époque, c'était Jean-Claude Godin,
01:15qui est décédé en mai dernier. Et il lui a été reproché d'ailleurs à l'époque, à Jean-Claude Godin, un immobilisme sur la question de l'habitat.
01:22Julien Ruas, qui était donc adjoint à l'époque, fait aussi parmi des prévenus. Il était en charge de la prévention et de la gestion des risques urbains.
01:33Il lui est reproché d'avoir traité les nombreux signalements avec une légèreté qui interroge selon les juges d'instruction.
01:39Ou encore, vous le voyez, un architecte expert reconnu et spécialisé dans les bâtiments anciens, Richard Carta. Il avait été mandaté pour une expertise de péril
01:48deux semaines et demie avant le drame. Mais lors de cette visite, il aurait commis des négligences. Dans ce procès, les deux chefs d'accusation les plus graves sont
01:56l'homicide involontaire par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité, infraction qui est punie de cinq ans de prison maximum,
02:04et la soumission de plusieurs personnes vulnérables, dont au moins un mineur à des conditions d'hébergement indignes, un délit qui est puni de dix ans de prison.
02:12Pour ce procès qui va durer six semaines face aux 16 prévenus, il y aura 87 parties civiles, familles des huit victimes, mais aussi des riverains de la rue d'Aubagne.
02:21Écoutez des familles de deux victimes, Liliana, mère de Julien, et Paul, frère de Marie-Emmanuelle.
02:28Il m'a dit, maman, t'inquiète pas, je leur fais confiance. Il a fait confiance aux gens, ceux qui étaient censés le protéger chez lui, et ils l'ont pas fait.
02:37C'est pour ça qu'il est mort. Il est très important pour moi que la mort de mon fils ait un sens.
02:42C'est tout ce qu'il reste. Ma soeur, elle est morte et elle reviendra pas. Je suis sûr que la justice fera vraiment son travail et que ça servira d'exemple. Un procès exemplaire, s'il vous plaît.
02:52Procès exemplaire. Merci beaucoup, Benjamin, pour toutes ces explications. Roselyne, est-ce que six ans après, la Ville a tiré des enseignements ?
02:59C'est la bonne question. Combien d'immeubles sont encore dans cet état, s'inquiète Jean. On va retrouver rue d'Aubagne, Alexis Pluyet, le correspondant de BFM TV.
03:07Vous avez pu vous rendre chez un locataire, Alexis, qui, lui, vit toujours dans un logement clairement insalubre.
03:13Oui, absolument. Il s'appelle Saïd. Ça fait plus de 20 ans qu'il habite dans ce logement insalubre de 12 mètres carrés au 43 de la rue d'Aubagne.
03:23C'est à 200 mètres du lieu de la catastrophe. On a pu le rencontrer avec Anne Boisise. On a constaté les moisissures sur les murs, les morceaux de plafond qui menaçaient de s'effondrer.
03:34Et vous voyez, dans les parties communes de cet immeuble, ça n'est guère mieux. Le plafond qui menace là aussi de s'effondrer. On aperçoit des fissures béantes et des poutres moisies dans cette partie commune.
03:47Donc vraiment un immeuble totalement insalubre. Alors il faut préciser qu'il y a un arrêté d'interdiction d'occupation. Ici, cet immeuble qui était détenu par un marchand de sommeil a été racheté par la Ville.
03:59Il y a des visites en cours pour faire le diagnostic et lancer les travaux. Mais pour le moment, rien n'a été fait. Et Saïd, lui, il attend toujours que les travaux commencent.
04:07Écoutez le témoignage qu'on a recueilli avec Anne Boisise.
04:10Je suis obligé d'acheter le produit pour les carports et les punaises. J'arrive pas à me débarrasser. Je suis au propriétaire. Il m'a dit qu'il faisait les poubelles.
04:25On a vu là des morceaux de l'escalier qui étaient tombés. Vous voyez parfois des morceaux qui tombent ?
04:32Oui, comme là-bas, au plafond.
04:36Qu'est-ce qui s'est passé sur le plafond ?
04:38Dès qu'il prend la douche, il y a l'eau qui coule.
04:42Donc il y a de l'humidité ?
04:44Oui. J'ai refait un peu la peinture.
04:48Mais est-ce que vous craignez que l'immeuble s'effondre après ce qu'il s'est passé à la rue de Bagne il y a 6 ans ?
04:54Non, pas autant. Mais il y a des travaux à faire.
05:00Et les travaux, ils ne sont pas faits ?
05:03On attend. On ne sait pas.
05:09Déjà, où aller ? On ne sait pas.
05:16Alexis, vous qui vivez sur place, vous qui suivez l'actualité marseillaise, est-ce que vous diriez que oui, les leçons ont été tirées ? Est-ce qu'il y a du mieux en 6 ans ?
05:28Depuis la catastrophe, les arrêtés de péréliminants se multiplient.
05:33Ça s'appelle des mises en sécurité.
05:35Du côté de la mairie de Marseille, la nouvelle municipalité de gauche, celle de Benoît Payan, on avance quelques chiffres.
05:41Notamment, 1 400 mises en sécurité depuis 2021.
05:44Et puis, 4 millions d'euros qui ont été investis en 2023 pour faire des travaux de mise en sécurisation, comme ici.
05:51Alors, ce qu'il faut dire, c'est que le logement insalubre reste un fléau à Marseille.
05:57Ça concerne 40 000 logements dans la ville.
06:02Ça veut dire 100 000 personnes au total.
06:05Donc, ce fléau, ça concerne toujours 1 marseillais sur 8.
06:10Merci beaucoup Alexis Puyet pour ce témoignage extrêmement fort, recueilli avec Anne Boisise à Marseille.