Les coalitions politiques, une norme européenne ?
Category
🗞
NewsTranscript
00:00France Culture, les matins d'été, Quentin Laffey.
00:05Depuis le 7 juillet, la France est devenue un pays européen comme un autre.
00:09Aucune formation n'ayant obtenu de majorité à l'Assemblée,
00:12notre nation si politique doit désormais apprendre à être dirigée par des alliances.
00:17Alors ce matin, voyage en Europe pour comprendre comment fonctionnent nos voisins,
00:21coalition mode d'emploi et pour nous guider, trois invités.
00:24Pascale Johannin, bonjour.
00:25Bonjour.
00:26Vous êtes directrice de la Fondation Robert Schuman, à vos côtés Carole Wienhals, bonjour.
00:31Bonjour.
00:32Vous êtes maître de conférences à l'Université de Lille, spécialiste en civilisation de l'Espagne contemporaine
00:37et à distance depuis la Belgique, Paul Magnette, bonjour.
00:40Bonjour.
00:41Vous êtes professeur de théorie politique à l'Université libre de Bruxelles,
00:44ancien ministre du gouvernement fédéral belge,
00:47actuellement bourgmestre de Charleroi et président du parti socialiste belge.
00:52Alors Pascale Johannin, on commence avec vous, tour d'horizon.
00:54Aujourd'hui, en Europe, les coalitions sont la norme, la majorité l'exception.
01:00A quel point est-ce que c'est vrai ?
01:01Alors on a une publication qu'on fait chaque année qui s'appelle le rapport Schuman.
01:05Que vous venez de me remettre, comme un cadeau.
01:07Exactement.
01:08Où on met en effet la situation politique, au jour où en effet on publie,
01:14de chaque État membre de l'Union Européenne.
01:16Et ce qu'on s'aperçoit depuis 18 ans qu'on fait ce rapport et donc cette carte,
01:21c'est que de plus en plus de pays sont en coalition.
01:25Et que de plus en plus ces coalitions comprennent plus de deux partis.
01:29Et je vais prendre deux exemples comme ça, ça vous permettra de comprendre.
01:33En Allemagne où la coalition à deux partis a été quasiment la norme depuis 1949,
01:41on a eu pour la première fois en Allemagne en 2021, après les élections,
01:46une coalition nouvelle, dite Ampel-Tricolore, avec trois partis.
01:51Idem au Parlement Européen où depuis 1979, l'élection au suffrage universel direct,
01:56il y avait toujours une alliance entre deux partis.
01:59Et là en 2019, donc déjà il y a cinq ans, on s'est aperçu qu'il y avait besoin de trois partis.
02:06Donc on a en effet le centre droit, PPE, le social-démocrate,
02:11où appartient monsieur Magnette qui nous écoute, et puis les libéraux.
02:16Et bien cette coalition, malgré ce qui s'est passé aux dernières élections européennes,
02:21reste majoritaire en Europe.
02:23Et on ne voit pas pourquoi en France, les membres de ces partis au Parlement Européen
02:28qui font une coalition au Parlement Européen refuseraient de la faire au niveau national.
02:32On va revenir évidemment sur le cas de la France,
02:34mais pour bien analyser ce que vous venez de dire, Pascal Jouannin,
02:37ce ne sont pas les modes de scrutin qui changent, on est bien d'accord,
02:41c'est le fait que de moins en moins de partis sont capables d'être majoritaires dans un scrutin donné.
02:45Oui, les grands partis dits de gouvernement, qu'on pouvait appeler le parti de droite et le parti de gauche,
02:50ont vu leur score s'écrêter un tout petit peu, on est passé de 40% à 35%, à 30%,
02:56et aujourd'hui on est un peu en dessous de 30%.
02:58Et donc ils sont incapables d'obtenir des majorités absolues.
03:00Oui, ils sont incapables de faire des majorités absolues.
03:02Alors il faut voir quand même que dans beaucoup de pays européens, comme ça, ça permettra de faire la boucle,
03:06le mode de scrutin est un mode de scrutin proportionnel, il faut bien faire attention.
03:10Or nous, nous avons cette fois-ci un scrutin majoritaire à deux tours,
03:14il n'y a que nous qui l'avons, ce scrutin majoritaire à deux tours,
03:17et quand bien même, c'est la deuxième élection législative,
03:21puisqu'en 2022, je rappelle qu'il n'y avait pas de majorité non plus pour la majorité présidentielle,
03:27qui en était pas loin, il lui manquait 44 élus,
03:31il y avait déjà eu un exemple aussi pendant la présidence de François Mitterrand,
03:36il en manquait 16 je crois,
03:38mais là cette fois-ci, il n'y a aucun parti quand on regarde,
03:42il en manque plus de 100,
03:45donc il n'y a aucun parti qui a gagné finalement,
03:48celui qui dit qu'il a gagné est un menteur,
03:50et par contre ça oblige à regarder avec qui on peut s'entendre
03:55sur quelques points de programme,
03:57pour avoir cette majorité qui est à 289 en France.
04:01Carole Winals, le cas de l'Espagne illustre parfaitement ce qui vient d'être dit,
04:05longtemps, le bipartisanisme a été, le bipartisme pardon, a été la norme en Espagne.
04:13Alors en Espagne, il y a quand même plusieurs facteurs qui sont assez singuliers,
04:16bon c'est du proportionnel mais ça vous le savez très bien,
04:19le deuxième facteur c'est que nous on vote au niveau territorial,
04:22moi je vote à Barcelone par exemple,
04:24et donc du coup, il y a un grand grand poids des partis
04:28qui sont des partis des autonomies on va dire,
04:30par exemple dans la coalition actuelle,
04:33on a 11 partis,
04:35on a les deux grands blocs, droite gauche,
04:37donc droite extrême droite, gauche plus à gauche,
04:40mais il y a quand même 7 parties, c'est-à-dire 28 sièges sur les 350,
04:44c'est-à-dire 8% de la chambre qui sont aux mains des différentes autonomies,
04:48donc on a la coalition Canaria, on a les Canaries,
04:51on a la Catalogne, mais les partis catalans il y a la gauche et la droite,
04:56ce qui est très compliqué des fois, bon, ils ne sont pas toujours d'accord entre eux,
04:59il y a la Galice, il y a la Navarre, il y a Euskadi,
05:01avec Bildu et PNUB qui sont la gauche et la droite,
05:04donc en fait 8% c'est quand même du territorial,
05:06donc ça déjà c'est typiquement espagnol.
05:09Mais quand on disait quand même que le bipartisme structurait la vie politique espagnole
05:13au moins jusqu'en 2015, que deux partis, l'EPP et le PSOE,
05:17régissaient cette vie politique, comment ça se fait que ça s'est étiolé ?
05:20Alors de toute façon il y a eu, vous savez, après la crise économique,
05:23à partir de 2014-2015 il y a eu une espèce d'explosion,
05:26puisque les élections de 2019, il y a eu une répétition électorale en 2019,
05:30parce qu'il n'arrivait pas à trouver de majorité,
05:32il y avait quand même 19 partis, 19 partis distincts,
05:35donc là c'était carrément énorme,
05:37et il y avait quand même des partis qui étaient, on peut dire, assez rigolos,
05:40mais qui sont assez représentatifs des problèmes de l'Espagne actuelle,
05:43un parti que j'aime bien qui s'appelle Teruel Existe, avec un siège,
05:46Teruel Existe, c'est-à-dire qu'il y a tous les partis qui sont représentatifs
05:49de ce qu'on appelle l'Espagne périphérique, l'Espagne vide,
05:52et eux ils avaient, donc il y avait Teruel, je ne sais pas si vous imaginez,
05:56Teruel c'est vraiment, c'est dans le centre,
05:59mais pas que Teruel, il y avait aussi Navarra-Chouma qui avait deux sièges,
06:02Teruel Existe et un siège donc,
06:05et le parti régionaliste de Cantabrie, un siège en 2019,
06:09donc vous voyez à quel point c'est mis au niveau territorial.
06:11On va essayer de comprendre avec vous comment faire en sorte que tous ces gens
06:14se parlent et parviennent à construire des coalitions,
06:17mais avant ça, direction de la Belgique, avec vous Paul Magnette,
06:20on va revenir évidemment sur l'actualité belge aussi,
06:23puisque vous êtes en train de tenter en Belgique de former une coalition,
06:27mais avant cela, quel regard vous portez vous sur la situation française,
06:31et notamment sur ce fait majoritaire qui tente de persister ?
06:35Ce qui, à mon sens, produit la paralysie de la situation française aujourd'hui,
06:39c'est justement l'incompatibilité entre le nouveau paysage politique d'un côté,
06:44et les fondements du régime politique français de l'autre.
06:48La singularité de la France, quand on la replace dans le paysage politique européen,
06:52elle se marque à deux points majeurs,
06:54d'abord le fait qu'il y ait un président de la République qui ait des pouvoirs forts,
06:58ce qu'on ne retrouve nulle part ailleurs,
06:59et ensuite ce mode de scrutin majoritaire à deux tours,
07:03qui est aussi quelque chose de relativement unique.
07:05En réalité, dans le monde, il y a deux grands types de démocratie,
07:08il y a les démocraties majoritaires,
07:10dans lesquelles on a principalement deux grands partis,
07:12et une alternance entre ces deux grands partis,
07:15comme aux Etats-Unis, comme au Royaume-Uni,
07:16on vient de voir les travaillistes remporter les élections
07:19après 14 ans de gouvernement conservateur,
07:21ils ont une vaste majorité, ils vont pouvoir appliquer leurs programmes,
07:24c'est un système assez simple.
07:26D'un autre côté, on a des systèmes proportionnels,
07:28où il y a une division de la représentation politique entre 7, 8, 10 partis,
07:32et puis ensuite des coalitions de 2, 3, 4, 5 partis,
07:35qui gouvernent et qui sont des coalitions plus ou moins homogènes.
07:38Les deux systèmes fonctionnent.
07:40Le système français, c'est un mélange des deux,
07:42avec en plus l'élection présidentielle,
07:44et un président qui a un pouvoir extrêmement important,
07:47pas seulement dans la politique étrangère,
07:49mais aussi dans la politique nationale.
07:50Et c'est ça aujourd'hui qui est complètement grippé,
07:52c'est ce qui explique, à mon sens,
07:54pourquoi il sera pratiquement impossible de former une coalition en France,
07:58ce n'est pas que les hommes et femmes politiques français
08:01ont moins la capacité de former des compromis que les autres,
08:04peut-être un peu quand même,
08:05ce n'est pas trop dans la culture politique française,
08:07mais c'est surtout le fait que tous les hommes et femmes politiques
08:10ont déjà le regard tourné vers 2027,
08:12vers l'élection présidentielle et l'élection législative qui suivra,
08:16et qu'ils savent que dans cette élection,
08:19qui est la mère de toutes les élections dans le système politique français,
08:22et qui est gouvernée par un système majoritaire à deux tours,
08:25s'ils n'y vont pas unis, ils perdront.
08:28Si demain, par exemple, les socialistes, les écologistes
08:31formaient une coalition avec les centristes, comme certains l'évoquent,
08:34ils briseraient l'unité de la gauche,
08:36et c'est la défaite assurée pour les élections de 2027.
08:39Ça c'est le raisonnement qu'ils ont, je pense,
08:41toutes et tous à peu près à l'esprit,
08:43et beaucoup à droite, du côté de LR certainement,
08:46mais pas seulement, ont à l'esprit le même raisonnement.
08:48Et donc, le système français, il a plutôt bien fonctionné
08:52tant que la vie politique française était marquée
08:54par la présence très forte du clivage gauche-droite,
08:57aujourd'hui qu'il y a ce bloc d'extrême droite,
08:59qui n'est pas en état de gouverner,
09:01mais qui empêche que se forme une majorité de gauche,
09:03et qui empêche que se forme une majorité de droite,
09:06le système est profondément grippé.
09:08Bon, que se passe-t-il en Belgique alors, Paul Magnette ?
09:11Présentement, on rappelle qu'il y a eu des élections législatives en juin,
09:15et aujourd'hui, ce mercredi 10 juillet,
09:17le nationaliste flamand Barthes de Wever
09:20est chargé par le roi des Belges d'une mission de préformateur
09:23dans le cadre des discussions, je cite,
09:25qui devraient logiquement aboutir à la formation
09:27d'un nouveau gouvernement fédéral.
09:29Que se passe-t-il ? Racontez-nous.
09:31Oui, les négociations sont en cours,
09:33elles avancent relativement vite,
09:35mon parti n'en fait pas partie,
09:37puisqu'on a eu une vague de droite assez marquante
09:39lors du dernier scrutin,
09:41et il y aura probablement un gouvernement
09:43beaucoup plus rapidement que dans le passé,
09:45parce que les électeurs ont fait un choix politique clair,
09:47ça c'est le hasard qui peut se produire
09:50dans un système très proportionnel,
09:52quand il y a un fort éclatement
09:54de la représentation politique, on l'a vécu en 2010,
09:56on l'a vécu à nouveau en 2019,
09:58les négociations peuvent être très longues,
10:00on avait mis 541 jours à former un gouvernement en 2010,
10:03on a mis 16 mois à former un gouvernement,
10:06et c'est moi qui les formais d'ailleurs
10:08en 2019-2020,
10:10parce que la représentation politique
10:12était très éclatée et qu'il fallait
10:14assortir des partis qui étaient très éloignés
10:16les uns des autres, ce qui est très compliqué.
10:18Cette fois-ci, le choix politique est beaucoup plus net,
10:20et donc les choses devraient aller beaucoup plus vite.
10:22Ça dépend de la clarté du choix des électeurs.
10:24Pascal Johannin, on vient d'entendre
10:26déjà quelques défauts inhérents
10:28peut-être à ce système
10:30de formation de coalition, peut-être
10:32le temps que cela peut prendre parfois
10:34alors que les affaires du monde
10:36elles vont beaucoup plus vite,
10:38donc le temps perdu, et peut-être aussi
10:40l'instabilité. Est-ce que ces défauts-là
10:42que l'on attribue souvent
10:44à ces systèmes vous paraissent pertinents ?
10:46D'abord, je rebondis
10:48sur ce qu'a dit Paul Magnette,
10:50la Belgique n'a pas été
10:52empêchée de fonctionner dans les 541 jours
10:54où il y a eu, en effet,
10:56Ferhofstadt qui gérait les affaires courantes.
10:58Les affaires courantes ont été gérées, exactement.
11:00Et si on va aller plus loin, plus rapidement,
11:02il y a eu des élections aux Pays-Bas
11:04en novembre, et le gouvernement
11:06a été mis en place la semaine dernière,
11:08donc ces sept mois, il n'y a pas eu de rupture,
11:10les Pays-Bas ne sont pas effondrés
11:12parce que le gouvernement gérait
11:14les affaires courantes. Donc, il faut arrêter
11:16de penser en France
11:18ce système comme quoi
11:20s'il n'y a pas de majorité, c'est ingouvernable.
11:22Ça suppose, en effet,
11:24comme l'a dit Paul Magnette, qu'on change
11:26un peu nos mentalités, nos postures
11:28et qu'on tienne compte
11:30de ce qui s'est passé en France
11:32avec, en effet, le choix de Français
11:34de donner la majorité à personne.
11:36Pas plus à la gauche qu'à la droite.
11:38Il y a trois blocs
11:40et donc il va falloir faire quelque chose
11:42qu'on n'a jamais réussi à faire en France
11:44parce qu'en effet, il y avait
11:46un système majoritaire,
11:48il suffisait d'avoir une majorité.
11:50Mais je rappelle deux choses.
11:52Nous avons les Britanniques. Les Britanniques ont
11:54un scrutin majoritaire à un tour.
11:56Cette fois-ci, il y a eu une majorité absolue. Mais,
11:58dans le passé, il est arrivé que
12:00le parti travailliste
12:02ou tout récemment conservateur, puisqu'on était là
12:04en 14 ans, que le parti
12:06conservateur n'ait pas la majorité à lui seul.
12:08Et donc, on se souvient qu'il y a eu une première
12:10coalition avec David Cameron,
12:12le premier gouvernement conservateur
12:14récent avec les libéraux-démocrates
12:16donc les amis
12:18de M. Macron aujourd'hui, si je puis dire.
12:20Et qu'une autre fois, il y a eu
12:22besoin de recourir à un petit parti, c'était
12:24Theresa May, le parti qui était
12:26unionniste en Irlande du Nord
12:28pour pouvoir avoir une majorité à Westminster.
12:30Donc, même dans les pays dits majoritaires,
12:32quand il n'y a pas de majorité, on arrive à s'entendre.
12:34Je rappelle aussi
12:36qu'en Grèce, quand il y a eu l'expérience
12:38Syriza, donc le parti d'extrême-gauche
12:40qui avait gagné les élections largement
12:42mais qui n'avait pas la majorité,
12:44il a fait une coalition avec un parti de droite.
12:46Dur, d'ailleurs. Donc, vous voyez,
12:48les modèles de coalition,
12:50elles ne sont pas forcément naturelles
12:52mais elles s'imposent quelquefois pour avoir la majorité.
12:54Donc, qu'est-ce qu'il va se passer
12:56si les hommes politiques
12:58qui sont élus aujourd'hui,
13:00qui font partie du cercle
13:02qui a été envoyé à l'Assemblée nationale,
13:04ne sont pas capables de s'entendre ? Les Français vont dire
13:06mais alors, ça sert à quoi que j'ai voté ?
13:08Puisque je vous dis que je veux ça, donc faites avec.
13:10Et si on n'est pas capable d'entendre cette voix-là,
13:12on ne respecte pas le choix des Français.
13:14Or, ils sont les représentants
13:16de ce que les Français ont choisi.
13:18Donc, à eux de faire preuve de responsabilité
13:20et de sortir des postures où on va nous faire croire
13:22qu'il y a une union de la gauche qui est majoritaire aujourd'hui, c'est faux.
13:24Carole Vinals, quand on regarde là encore
13:26le cas espagnol, tout le monde prédisait,
13:28espérait peut-être, même d'ailleurs,
13:30que le parti socialiste ouvrier espagnol
13:32ne parviendrait pas à former de la coalition
13:34et à gouverner dans ce cadre. Alors, pourquoi
13:36ça a fonctionné ? Racontez-nous.
13:38Ça a fonctionné parce qu'on avait déjà eu...
13:40Vous parlez de quelle élection ? De celle de 2019 ?
13:42Je parle de la coalition qui associe le PSOE
13:44à Suiza Danos.
13:46Alors, à Podemos
13:48et maintenant Soumad, en fait.
13:50Au départ, il y avait déjà eu une répétition électorale.
13:52Et en fait, après la répétition électorale, il y en a eu
13:54une en 2016 et une en 2019.
13:56Après la deuxième répétition électorale,
13:58il a bien fallu s'accorder
14:00les uns avec les autres. Il faut souligner
14:02que quand même, les divergences entre le leader
14:04de gauche, Pablo Iglesias,
14:06et Pedro Sánchez,
14:08elles étaient énormes. D'ailleurs, on a parlé
14:10du pacte de la collade, parce que les voir s'embrasser
14:12tous les deux, c'était vraiment une image qui a beaucoup
14:14impacté. Ensuite, les journalistes
14:16d'El País ont écrit des chroniques. Tout le monde parlait
14:18d'un gouvernement Frankenstein.
14:20Et après, toujours dans El País, ils ont
14:22commencé à dire que le malade, le gouvernement
14:24est malade. Parce qu'il y avait quand même 4 vice-présidences,
14:2618 ministres. Enfin, ils ont essayé
14:28de mettre tout le monde dedans. Et en fait, après, on a
14:30dit que le malade, il a une bonne santé de fer quand même.
14:32Parce que le malade, il a quand même tenu
14:34jusqu'en 2023, avec une vice-présidente
14:36qui, des fois, disait quelque chose.
14:38Le président du gouvernement qui disait tout à fait le contraire.
14:40Que ce soit en politique étrangère
14:42ou pour la gestion intérieure.
14:44Mais ils ont quand même tenu les uns et les autres. C'est ça qui est absolument
14:46remarquable. Mais alors, comment ils ont tenu ? Ils ont changé
14:48de culture politique, pour reprendre les mots
14:50de Pascal Jouannin. Ils ont fait des efforts. Ils sont
14:52devenus adultes, pour reprendre les termes de Raphaël Glucksmann.
14:54Alors, je ne sais pas s'ils sont devenus adultes,
14:56mais ce qui est vrai, c'est qu'entre les deux répétitions
14:58électorales de 2019, l'extrême droite
15:00de Vox a fait un bond prodigieux
15:02dans les sondages. Donc, il y a beaucoup de gens qui pensent
15:04que c'est quand même la poussée
15:06de l'extrême droite qui a fait que l'Espagne
15:08qui est quand même marquée par une dictature qui est assez
15:10récente. La constitution démocratique date de
15:121978. Les uns et les autres
15:14se sont dit qu'ils allaient quand même faire des efforts.
15:16De fait, parmi ce gouvernement, pendant
15:18le premier gouvernement, c'est 4 ans en Espagne,
15:20le premier gouvernement Sanchez de
15:2219... Enfin, il a été investi en janvier 2020
15:24jusqu'en 2023, puisqu'ils ont
15:26avancé les élections. Ils ont fait passer le plus
15:28grand nombre de lois qui n'ont jamais été passées en Espagne
15:30ces dernières années. On peut citer
15:32le Chertège, la réforme du droit du travail,
15:34on peut citer le top
15:36au gaz, vous savez, l'exception ibérique
15:38comme vous dites vous, la loi de Soloshi
15:40Eshi, avec le consentement des femmes,
15:42qui est assez problématique, mais bon, la
15:44revalorisation des pensions,
15:46la loi de mémoire démocratique,
15:48enfin, il y en a une dizaine,
15:50l'ingression minima vitale, c'est-à-dire le salaire minimum,
15:52c'est eux qui l'ont fait voter, la loi trans,
15:54ils l'ont fait voter, la loi sur l'avortement, ils l'ont fait voter,
15:56la première loi sur le logement, ils l'ont
15:58fait voter, les impôts
16:00sur les grandes banques, ils l'ont fait voter, c'est-à-dire que ce
16:02gouvernement de coalition a fait voter les lois
16:04les plus importantes, on peut dire, de toutes les législatures
16:06espagnoles, ils ne l'ont pas toujours fait avec
16:08les mêmes majorités. Alors ce qui est très rigolo sur
16:10certaines lois, notamment
16:12c'était la loi
16:14du travail, la gauche ne voulait pas voter avec eux,
16:16je vais très vite, la gauche ne voulait pas
16:18voter avec eux parce qu'ils trouvaient que leur réforme de loi travail
16:20pour le CDI n'était pas assez bonne, et en fait
16:22la loi est passée à une voix. Donc
16:24beaucoup de lois sans chaise, c'est ça qui est rigolo, sont passées
16:26à une voix, et la réforme de la loi travail, c'est parce qu'il y avait
16:28un député de droite,
16:30pas très doué, qui s'est trompé.
16:32Donc il a appuyé, donc la loi est passée. Mais les lois
16:34sont passées, elles sont passées, chouïa,
16:36mais elles sont passées, voilà. Parce qu'un député s'est trompé
16:38aussi. Oui, non, mais je veux dire, mais c'est toujours passé comme ça.
16:40C'est un exemple de dire qu'en fait,
16:42ça peut passer.
16:44Paul Magnette, en quelques mots, quel est le travail concret
16:46aujourd'hui du nationaliste flamand
16:48Bart de Wever pour construire
16:50cette coalition qu'on évoquait un peu plus tôt ?
16:52Il consulte l'ensemble
16:54des partis, ils sont moins nombreux cette fois-ci
16:56que la fois précédente parce qu'il y a eu un peu moins de
16:58fragmentation politique et qu'il y a eu un
17:00vaste mouvement à droite, donc des partis de droite
17:02qui sont plus convergents.
17:04Il les consulte pour tenter
17:06de dégager les lignes d'un accord
17:08de gouvernement qui, chez nous, est
17:10traditionnellement extrêmement détaillé.
17:12J'ai négocié le dernier,
17:14et on a béveillé vraiment à ce que les moindres
17:16détails de la réforme des retraites,
17:18de la réforme fiscale, etc.
17:20soient dans l'accord de gouvernement avant
17:22même l'installation du gouvernement,
17:24ce qui permet qu'ensuite le gouvernement
17:26ne soit pas un long fleuve tranquille
17:28mais ait une certaine sérénité dans son existence.
17:30Je rejoins ce que disait Pascal Jouanin
17:32tout à l'heure, ça je pense que c'est un élément important
17:34quand on dit qu'il n'y a pas de gouvernement,
17:36ça n'est pas vrai, il y a toujours un gouvernement
17:38même après une élection,
17:40dans ces périodes d'interrègne entre la fin
17:42d'un gouvernement et le début d'un autre,
17:44il y a ce qu'on appelle les affaires courantes et on peut faire
17:46énormément de choses en période d'affaires courantes.
17:48Un gouvernement d'affaires courantes,
17:50pour autant qu'il ait encore une majorité à l'Assemblée,
17:52sinon il est quand même affaibli
17:54politiquement, mais peut prendre
17:56toute une série de décisions à travers des actes
17:58exécutifs, peut et même
18:00souvent doit initier le processus
18:02de transposition des directives européennes
18:04au sein du Parlement, et donc
18:06il y a des tas de choses qu'on peut faire. Pendant les fameux
18:08541 jours
18:10soi-disant sans gouvernement que nous avons
18:12connus en 2009-2010,
18:142010-2011,
18:16nous avons néanmoins
18:18continué à gouverner le pays, on est même entré
18:20dans une coalition contre la Libye, donc on a déclaré
18:22la guerre en période d'affaires courantes.
18:24Donc il ne faut pas dramatiser ces périodes-là,
18:26même si politiquement, évidemment,
18:28c'est toujours un peu fragile.
18:29Je me permets de vous couper, pardonnez-moi, vous êtes à distance
18:31et le temps est passé. Merci à tous les droits,
18:33Pascal Joannin, Carole Vinal, Spogmanet. On va poursuivre
18:35cet échange, mais je passe le relais
18:37à M. Mauduit et Mme Guéroux tout de suite
18:39pour s'attaquer à quelques préjugés.
18:417h-9h,
18:43les matins d'été.
18:45Quentin Laffey.
18:48Suite de notre discussion sur le Tour d'Europe
18:50coalition mode d'emploi,
18:52avec trois invités, Pascal Joannin,
18:54elle est directrice de la fondation Robert Schumann
18:56avec Carole Vinal, elle est maître de conférences
18:58à l'université de Lille, spécialiste
19:00en civilisation de l'Espagne
19:02contemporaine et Paul Magnette,
19:04à distance, professeur de théorie politique
19:06à l'université libre de Bruxelles.
19:08Il est ancien ministre également
19:10du gouvernement fédéral belge, actuellement
19:12bourgmestre de Charleroi, président
19:14du parti socialiste belge.
19:16Je voudrais vous faire commenter, Pascal Joannin,
19:18une somme de conseils que nous donnait
19:20le quotidien le soir. Il s'adressait
19:22au peuple de France pour nous apprendre
19:24peut-être à former quelques coalitions
19:26sur le ton de l'humour, je les cite
19:28« Restez zen ».
19:30Sachez qu'au début, personne ne voudra gouverner
19:32ensemble. En campagne, vous l'avez vu,
19:34ils sont copieusement insultés, détestés,
19:36ont prononcé des « jamais »,
19:38des « ce » ou « nous » tellement définitifs.
19:40Cela ne doit pas vous effrayer.
19:42Sachez qu'en général, ce qui est
19:44vrai le samedi avant les élections
19:46ne l'est plus. Le lundi d'après,
19:48c'était pour rire. Ce que
19:50dit en creux cet extrait
19:52et ses recommandations peut-être du
19:54quotidien le soir, c'est qu'il faut apprendre
19:56à faire des coalitions.
19:58Exactement. C'est-à-dire quelque chose qui n'est pas
20:00habituel en France, parce qu'avec
20:02le mode de scrutin qui est le nôtre, normalement
20:04on s'attend à avoir une majorité absolue
20:06et qu'on n'en a pas.
20:08Et que cette fois-ci, on n'en a
20:10vraiment pas. Donc, il y a
20:12le choix de faire l'autruche
20:14et de se dire « je reste
20:16dans mon couloir, dans ma posture,
20:18dans ma zone de confort et je n'en bougerai
20:20pas », ou de se dire
20:22« les Français ont
20:24voté, on peut faire son parodie
20:26sous de l'Assemblée Nationale
20:28constitutionnellement avant un an.
20:30Est-ce qu'on bloque le pays ? Est-ce qu'on bloque
20:32le pays par mauvaise volonté ?
20:34Est-ce qu'il faut du temps ?
20:36Pour l'instant, il y a un gouvernement
20:38de transition, on va dire,
20:40qui est encore là.
20:42Ça ne fait peut-être pas plaisir à ceux qui
20:44ont voté. Mais en tout cas,
20:46en attendant que les choses
20:48se décantent, on va
20:50avoir peut-être
20:52un passage. On n'est pas
20:54pressé, comme on l'a rappelé tout à l'heure, parce que
20:56il n'y a pas un gouvernement dans le lendemain
20:58ou le surlendemain d'une élection
21:00qu'il y a blocage. Simplement,
21:02il faut apprendre à travailler ensemble. Et en effet,
21:04travailler pour faire quoi ? Parce que, bien entendu,
21:06on peut se dire « on va le faire », mais sur quoi ?
21:08Et c'est ça, peut-être, ce qui va prendre le plus de temps.
21:10Mais c'est ça, peut-être, qui frappe aussi dans notre culture politique
21:12française, c'est cette idée que
21:14des engagements pris le jour 1
21:16seront tempérés en jour 2
21:18ou 3, parce qu'il s'agit de faire des
21:20coalitions et qu'un engagement en campagne
21:22n'en est véritablement pas un, puisqu'il
21:24sera modifié au moment de
21:26transiger avec des partenaires, peut-être.
21:28On n'a pas attendu la coalition. Moi, j'ai entendu dans le programme,
21:30dans les candidats qui se sont
21:32beaucoup de choses, qui ont été amodiées
21:34au fur et à mesure qu'on a projeté l'élection,
21:36parce qu'il y a des propositions qui peuvent être sympathiques,
21:38etc., mais on sait très bien qu'elles
21:40ne seront pas mises en œuvre.
21:42Je rappelle quand même qu'il y a quelques règles qui
21:44s'imposent à nous, des règles européennes,
21:46et notamment en matière économique,
21:48on a des choses à respecter.
21:50Donc, on ne peut pas promettre n'importe quoi,
21:52puisque ça, c'est de l'irresponsabilité,
21:54puisque ensuite, vous n'appliquerez pas votre programme.
21:56Donc, il y a des éléments, en effet,
21:58qui sont un peu extrêmes chez nous, qui donnent des
22:00préoccupations. Mais
22:02au milieu, dans une
22:04fourchette qui est de gens
22:06qui se sont succédés au pouvoir
22:08dans les années précédentes,
22:10mais qui n'ont jamais travaillé ensemble, alors qu'en
22:12Allemagne, la gauche et la droite ont fait des
22:14grandes coalitions. Madame Merkel a fait des coalitions
22:16avec le SPD, et ça a
22:18marché. Donc,
22:20pourquoi nous, on n'y arriverait pas ? On est quand même
22:22des Gaulois, d'accord, mais on n'arriverait pas à le faire.
22:24Alors que tout le monde l'a fait. Simplement,
22:26il faut se mettre d'accord sur
22:28un programme. Paul
22:30Magnette disait qu'en Belgique ou en Allemagne,
22:32c'est écrit à la virgule près, etc.
22:34On a bien vu aux Pays-Bas que
22:36Geert Wilders, qui est un ami de
22:38Marine Le Pen, a eu beaucoup d'eau
22:40dans son vin pour arriver à convaincre
22:42d'autres partis. Et il n'est pas Premier
22:44ministre. Et voilà.
22:46Il y a des tas de choses qui doivent être apprises en
22:48France, et qu'on regarde un petit peu ce qui se
22:50passe en Europe. Et encore une fois, on a
22:52au Parlement européen,
22:54des élus français qui siègent dans des
22:56groupes différents,
22:58et qui votent
23:00pour le Parlement européen. Alors pourquoi ils le feraient
23:02à Strasbourg,
23:04et pas à Paris ? Paul Magnette,
23:06vous êtes désormais un responsable
23:08politique d'opposition, puisque
23:10vous n'intégrerez pas la
23:12coalition qui est en train d'être formée
23:14aujourd'hui en Belgique. C'est quoi
23:16être un bon responsable d'opposition,
23:18constructif,
23:20dans le cas d'une coalition ?
23:22Alors ça, je vais le découvrir au fur et à mesure,
23:24parce que c'est pour moi une grande première. Donc je suis
23:26en train d'essayer de
23:28façonner ce rôle. J'imagine que vous avez
23:30quelques idées. J'ai quelques idées,
23:32oui, on est en train de s'inspirer notamment de la pratique
23:34britannique du shadow cabinet,
23:36c'est-à-dire de montrer à chaque
23:38action du gouvernement qu'à la fois
23:40on peut illustrer les limites
23:42de l'action du gouvernement, mais aussi chaque fois proposer
23:44des alternatives, et donc tenter d'être
23:46constructif. Mais c'est un rôle qui se construit
23:48petit à petit. Mais je voudrais réagir
23:50rapidement à ce que disait Pascal Jouannin,
23:52moi j'entends tous ces appels
23:54en France à tenter la culture
23:56du compromis, faire des coalitions, etc.
23:58Mais il me semble que l'on sous-estime
24:00très profondément l'importance
24:02des règles du jeu. La règle
24:04du jeu... Des institutions...
24:06Oui, la règle électorale,
24:08l'existence d'un régime présidentiel,
24:10d'un président qui est élu au suffrage direct
24:12et qui a des pouvoirs très étendus, et pas seulement
24:14en politique étrangère, ça change
24:16radicalement les choses.
24:18Si vous demandez à une équipe de football, tout d'un coup,
24:20de jouer à un match de football
24:22sur un terrain de rugby, avec un ballon
24:24ovale, et selon les règles
24:26du rugby, eh bien ça ne fonctionnera pas.
24:28De la même manière,
24:30vous ne pouvez pas demander à un personnel politique
24:32qui a grandi et qui se construit
24:34dans un système majoritaire et présidentiel
24:36de tout d'un coup
24:38découvrir les vertus
24:40d'un gouvernement, de coalitions, des compromis,
24:42etc. Ça ne marchera pas.
24:44Ça ne marchera pas tant que la règle
24:46du jeu n'est pas changée. Parce que
24:48les partis, et c'est normal, pensent
24:50non seulement à gouverner le pays, à demain,
24:52mais pensent aussi à l'élection suivante.
24:54Et donc ils savent très bien que si
24:56aujourd'hui ils brisent des coalitions,
24:58des alliances qu'ils ont formées
25:00autour du clivage gauche-droite
25:02pour tenter de former des coalitions centristes,
25:04ils perdront les élections suivantes,
25:06et c'est la meilleure manière de finir par amener
25:08le Rassemblement National
25:10au gouvernement, voire même à la présidence
25:12de la République. Et donc il faut,
25:14je crois, si on veut se dire que la
25:16culture politique française doit
25:18évoluer, parce que cette tripartition
25:20de l'espace politique français est probablement
25:22là pour durer, il faut aussi
25:24ouvrir un débat sur le mode de scrutin
25:26et sur les prérogatives du
25:28chef de l'État. Sans ça, ça ne peut pas fonctionner.
25:30Carole Vinal, est-ce que le cas
25:32espagnol contredit ce que vient de dire
25:34Paul Magnette ? Dans le fond,
25:36depuis 2015, les responsables
25:38politiques espagnols ont bien appris la culture
25:40de la négociation ? Alors à propos des règles
25:42du jeu, donc hier j'ai relu entièrement la
25:44Constitution espagnole et j'ai rien trouvé
25:46spécifiquement sur les accords de coalition.
25:48Il n'y a rien. Je veux dire, il n'y a pas de
25:50texte. C'est uniquement de la pratique.
25:52Voilà. C'est-à-dire, il n'y a rien.
25:54Je vous assure, j'ai tout relu, je n'ai pas trouvé.
25:56On vous croit. Il n'en reste pas moins qu'en 2019
25:58sur les 350 sièges, on avait 190
26:00qui venaient de l'Espagne périphérique. Les Espagnols
26:02y sont arrivés. Mais c'est quand même un système
26:04parlementaire. Et si vous regardez le titre 5,
26:06Titulo 5 de las Relaciones entre el Gobierno
26:08y las Cortes Generales, surtout l'article 108,
26:10el Gobierno responde solidariamente
26:12en su gestión política ante el Congreso de sus
26:14Diputados. C'est-à-dire que le Congrès
26:16est garant
26:18de ce que fait le gouvernement.
26:20C'est-à-dire que c'est vraiment un État parlementaire,
26:22le système espagnol, où il n'y a pas de séparation
26:24stricte entre l'exécutif et le législatif.
26:26Et il y a bien une relation de collaboration.
26:28Et ça, ça se trouve très clairement dans la Constitution
26:30espagnole. Et c'est d'une
26:32manière très forte. Parce qu'il y a deux types
26:34de contrôles dans la Constitution espagnole par rapport
26:36à ce que fait l'exécutif. Il y a le contrôle
26:38ordinaire qu'on connaît avec les questions habituelles.
26:40Mais il y a aussi le contrôle de responsabilité.
26:42Un contrôle de responsabilité qui est aussi très
26:44fort et qui peut obliger le gouvernement
26:46à démissionner. Et ça, c'est dit très
26:48clairement avec une question de confiance qui est décidée
26:50par le Président du gouvernement. Et ça, c'est très
26:52bien fait. Parce qu'en fait, la question de confiance
26:54avec une majorité simple.
26:56Voilà. Donc, question de confiance.
26:58Sanchez l'a fait plusieurs fois. Et aussi,
27:00il y a la motion de censure qui avait marché en 2018.
27:02Mais la motion de censure, c'est quand même extrêmement
27:04compliqué. C'est ce qui donne de la stabilité au gouvernement
27:06de coalition. Voilà. Parce qu'en fait, je suis en train de répondre
27:08à la question de comment ça joue.
27:10Et la motion
27:12de censure, c'est beaucoup plus compliqué que la question de confiance.
27:14Parce que la question de confiance, une majorité simple.
27:16Chez nous, c'est 176. Mais la motion
27:18de censure, c'est on doit présenter un candidat.
27:20Et là, il faut une majorité
27:22absolue.
27:24Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que concrètement, est-ce que
27:26cette culture de la négociation, pour revenir
27:28à cette expression que vous avez vous-même employée,
27:30est-ce qu'elle n'est grâce aux institutions,
27:32par le truchement des institutions,
27:34où au fond, c'est les responsables politiques qui se forment
27:36eux-mêmes ? Oui, ça, ils l'ont fait eux-mêmes. Parce que c'est pas
27:38dans les textes. La seule chose qui
27:40soit dans les textes, c'est justement le contrôle
27:42de ce que fait le gouvernement, à travers le
27:44Parlement, et d'une manière assez stricte.
27:46Oui, oui. Parce qu'elle joigne.
27:48C'est vrai que nous, on a un système institutionnel où en effet,
27:50on a un Président de la République.
27:52On parlait de la France, là. Oui, oui.
27:54Ils ont un roi en Espagne.
27:56Il faut regarder, il y a quand même des...
27:58C'est pas le même...
28:00C'est une monarchie parlementaire.
28:02Et c'est le cas
28:04de toutes les monarchies en Europe. Il en reste 6
28:06ou 7. Mais
28:08en France, on a ce système présidentiel qu'a bien
28:10évoqué Paul Magnette, et que
28:12l'élection phare, en effet, c'est l'élection présidentielle.
28:14C'est vrai. Et que
28:16on ne peut pas changer ça
28:18sauf à changer, en effet, la Constitution
28:20qui nécessite, de toutes les façons,
28:22pour un changement de Constitution,
28:24des règles qui sont très strictes également.
28:26Ceci étant dit,
28:28comme ce système existe
28:30aujourd'hui, et qu'on ne peut pas
28:32tout
28:34changer en l'espace de
28:36peu de temps, il y a quand même
28:38de la part de certains membres
28:40de l'Assemblée aujourd'hui,
28:42la question qui doit se poser
28:44ce matin, et qui doit peut-être
28:46se poser depuis lundi,
28:48c'est sur quoi...
28:50Quels sont les textes dont la France a besoin
28:52immédiatement, pour lesquels il faut
28:54qu'on ait un vote pour faire avancer
28:56les choses, parce qu'on ne veut pas rester en l'État.
28:58Alors, c'est peut-être pas forcément un grand programme
29:00comme en Allemagne, ou
29:02comme en Belgique,
29:04mais ça peut être quelque chose
29:06qui est les dix principales
29:08mesures qu'il faudrait faire,
29:10pour montrer que...
29:12C'est peut-être plus du cas par cas,
29:14mais si on ne le fait pas,
29:16moi je dis
29:18attention, les Français
29:20vont certainement montrer
29:22leur mauvaise humeur, et vont dire
29:24on vous élit, et vous n'êtes pas capable
29:26de le faire. Vous avez évoqué tout à l'heure,
29:28Pascal Johannin, le cas du Parlement
29:30européen, c'est peut-être le premier Parlement
29:32dont on aurait dû parler dans cette
29:34discussion. Comment les
29:36coalitions se dessinent-elles au Parlement
29:38européen ? Alors, selon la méthode
29:40d'Ontes, il faut renvoyer ça...
29:42Expliquez-nous.
29:44C'est une méthode,
29:46c'est un des
29:48calculs de la proportionnelle.
29:50Il y a plusieurs systèmes, il y a Sainte-Laguë,
29:52il y en a quelques autres, et donc
29:54certains. Mais dans la majorité des pays
29:56membres de l'Union européenne, c'est le
29:58système d'Ontes. Donc ça veut dire que
30:00vous prenez en effet
30:02les voix
30:04obtenues. Vous savez que c'est 27 élections
30:06au Parlement européen. Vous avez donc
30:0827 élections. Vous coalisez
30:10en effet dans certains groupes un certain
30:12nombre de députés
30:14qui viennent de différentes nationalités.
30:16Il faut 23
30:18élus par cet
30:20Etat pour avoir un groupe.
30:22Et donc à partir de là, en fonction de
30:24l'importance que vous avez
30:26reçu du mandat,
30:28vous avez une position qui vous permet
30:30de demander tant de postes de
30:32vice-président, tant de postes de commission.
30:34Voilà. Et que donc après,
30:36il y a des arbitrages.
30:38Le premier parti dit j'aimerais telle et telle
30:40commission. Le deuxième dit mais moi j'aimerais aussi
30:42celle-là. Donc on essaie de se mettre d'accord.
30:44Et on essaie aussi quelquefois de se mettre d'accord
30:46pour bloquer
30:48des gens dont on ne veut pas.
30:50Et au Parlement européen, jusqu'à présent,
30:52il y avait un peu un arc républicain,
30:54un cordon sanitaire
30:56qui a été fait sur les extrêmes
30:58droites, voire
31:00les extrêmes gauches,
31:02qui ne participaient pas à cette
31:04gouvernance. Et là on va
31:06avoir la semaine prochaine la séance
31:08constitutive du Parlement européen qui a été votée
31:10le 9 juin, avec en effet
31:12est-ce que cette fois-ci
31:14on va ouvrir
31:16ou pas cette gouvernance
31:18européenne à de nouveaux groupes
31:20qui se sont montrés. Pour l'instant,
31:22on a le PPE
31:24qui est arrivé en premier,
31:26le SED en deuxième, Renew
31:28qui est peut-être maintenant plus troisième, ni quatrième,
31:30ni cinquième, les Verts. Mais
31:32tout ça se fait dans un accord.
31:34Il y a les conservateurs réformistes
31:36européens, mais par contre le nouveau groupe
31:38de M. Orban, où siège le Rassemblement national,
31:40est un peu blacklisté. Et donc
31:42je ne suis pas sûre qu'ils obtiennent autre
31:44que leur groupe des
31:46présidences.
31:48Visiblement ça va se décider la semaine prochaine.
31:50C'est intéressant ces coalitions qui se forment
31:52contre des groupes, contre des parties
31:54en particulier. Carole Vinal,
31:56est-ce que cette opposition,
31:58justement, ces coalitions se sont formées
32:00en Espagne, parfois contre des groupes
32:02en particulier. Souvent, d'ailleurs, en Europe, c'est
32:04contre l'extrême droite. Non, parce que le cordon sanitaire
32:06c'est quelque chose de typiquement français.
32:08D'ailleurs, c'était assez frappant quand il y a eu les élections
32:10à Barcelone. En fait, c'était
32:12Manuel Valls qui, lui, s'est désisté
32:14parce qu'il avait candidaté,
32:16pour empêcher la droite et l'extrême droite
32:18de faire alliance. Tout le monde a été surpris
32:20qu'il fasse ça, mais parce qu'il est français.
32:22Donc, lui, il a appliqué le cordon sanitaire français.
32:24C'est un truc qui ne se fait pas en Espagne. Il faut dire que
32:26l'extrême droite espagnole, avant, elle était dans le
32:28parti de droite. Donc, du coup,
32:30c'est pas la même culture des coalitions.
32:32Paul Magnette, c'est une chose de former
32:34des coalitions au sein du
32:36Parlement. C'en est une autre de
32:38composer un gouvernement à partir
32:40de ces coalitions
32:42parlementaires. Comment ça se passe en Belgique,
32:44concrètement, la formation, cette fois-ci, des gouvernements ?
32:46Alors, ce sont les partis
32:48qui se choisissent, les uns les autres, dans un premier
32:50temps. Ça, c'est la première étape.
32:52C'est-à-dire qu'il faut trouver un certain nombre de convergences
32:54entre un certain nombre de partis qui réunissent
32:56une majorité parlementaire.
32:58Et puis, ensuite, il y a négociation d'un
33:00accord, au consensus,
33:02et puis, finalement, répartition des fonctions
33:04selon la règle d'ondes que vient
33:06d'évoquer Pascal Joalin, qui est d'ailleurs
33:08du nom d'un célèbre mathématicien belge,
33:10qui est un système qui répartit
33:12les responsabilités, qui donne
33:14à chaque parti un certain nombre de points,
33:16en fonction de son nombre de sièges, et qui leur
33:18permet de savoir combien de responsabilités
33:20ils peuvent réclamer, et qui établit
33:22aussi un ordre
33:24de passage, si on veut, ou un ordre de choix
33:26entre les différentes formations politiques.
33:28Donc, ça fonctionne globalement pas mal,
33:30et, effectivement, ça fonctionne aussi
33:32dans le système du Parlement européen.
33:34Mais, à nouveau, je pense que ce qu'on oublie,
33:36c'est que tout le marasme dans lequel
33:38la France est plongée vient, en grande
33:40partie, des interventions du Président de la République.
33:42C'est le Président de la République
33:44qui a décidé, Emmanuel Macron, de gouverner
33:46sans majorité, c'est le Président
33:48de la République qui a décidé d'imposer des
33:50réformes, en utilisant le 49-3,
33:52en ce compris sur des sujets extrêmement
33:54sensibles, comme la réforme des retraites,
33:56et c'est encore le Président de la République
33:58qui a dissous l'Assemblée, et qui a créé
34:00cette cacophonie. Et donc, c'est pour ça que
34:02toutes les analogies qu'on veut faire, avec
34:04les systèmes parlementaires, les monarchies constitutionnelles,
34:06la Commission européenne,
34:08ne fonctionnent pas, parce que ce qui
34:10fait fonctionner la culture du compromis
34:12dans ces pays, c'est justement l'absence
34:14d'un pouvoir jupitérien qui peut, comme ça,
34:16tout d'un coup, imposer
34:18des orientations à la vie
34:20politique qui créent
34:22ce chaos dans lequel on est aujourd'hui.
34:24Il ne pourrait pas y avoir de culture du compromis
34:26et de culture de coalition,
34:28sans une vraie culture proportionnelle,
34:30et donc un mode de scrutin proportionnel,
34:32et sans réduire le pouvoir
34:34d'intervention du Président de la République
34:36dans la vie politique française.
34:38Si on veut trouver une solution à court terme,
34:40plutôt que de regarder du côté
34:42du Parlement européen et de la Commission,
34:44ou plutôt que de regarder du côté de l'Espagne et de l'Allemagne,
34:46il me semble que la seule formule européenne
34:48qui soit applicable à la France
34:50dans le régime politique actuel
34:52de la France, c'est ce qui se pratique
34:54dans les pays nordiques. Dans les pays nordiques,
34:56pendant très très longtemps, il était impossible
34:58de réunir des majorités absolues
35:00et même des majorités simples,
35:02et donc ces pays ont pris l'habitude de gouverner
35:04avec des gouvernements minoritaires.
35:06Mais la différence avec la France, c'est que ces gouvernements
35:08minoritaires n'imposaient pas
35:10leur choix minoritaire à travers
35:12le 49-3. Ces gouvernements
35:14minoritaires dissociaient d'un
35:16co-travail du gouvernement, qui peut faire
35:18un certain nombre de choses à travers des actes exécutifs
35:20mais qui est limité dans son action,
35:22et d'un autre côté, le travail du Parlement.
35:24Ça veut dire que demain, on pourrait avoir
35:26un gouvernement minoritaire en France,
35:28soit à partir du Nouveau Front Populaire,
35:30soit peut-être à partir d'un bloc de droite
35:32ou de centre droit, mais il ne
35:34pourrait pas imposer ses orientations,
35:36il pourrait prendre quelques dispositions
35:38par actes exécutifs, et puis
35:40ensuite, il devrait trouver des majorités au
35:42cas par cas, au sein du Parlement.
35:44Et c'est très sain, démocratiquement, parce que ça
35:46replace, ça crée alors une vraie
35:48culture du compromis qui se construit petit
35:50à petit dans la culture parlementaire,
35:52ce qui est beaucoup plus sain, parce que ça
35:54se fait en toute transparence, et non pas
35:56dans des accords obscurs passés entre
35:58chefs de partis, et parce que ça diffuse
36:00petit à petit, dans le personnel politique,
36:02cette culture du compromis,
36:04cette culture des concessions réciproques.
36:06Et donc, je voudrais recommander à tous les auditeurs
36:08de France Culture, une excellente série,
36:10qui est la série « Borgen », qui explique
36:12comment ça se passe au Danemark, et qui
36:14permet de voir, là, une chef de gouvernement
36:16minoritaire, qui parvient néanmoins
36:18à gouverner son pays, mais
36:20en acceptant d'entrer dans une logique
36:22de concertation très intense, avec
36:24les formations politiques, pour former des
36:26coalitions au cas par cas. – Pascal Johannin,
36:28est-ce que la France ira, de toute
36:30façon, forcée ou contrainte,
36:32sur la voie de ce système de coalition ?
36:34– Là, aujourd'hui,
36:36on ne voit pas quelle autre orientation
36:38il pourrait y avoir, puisque nous avons
36:40une situation où aucun
36:44bloc naturel
36:46a la majorité.
36:48Et donc, on ne va pas pouvoir...
36:50Le larme
36:52qui risque de se renverser
36:54dans le cas que vient de mettre
36:56Paul Magnette,
36:58que vous avez évoqué, c'est le
37:00fait que, si
37:02ça ne plaisait pas, il pourrait y avoir
37:04une motion de censure. Et donc, là,
37:06on se retrouverait dans un cas de blocage. Donc, il faut
37:08faire attention à veiller
37:10à trouver une solution qui
37:12permette, en effet, d'avancer, et pas de
37:14reculer, avec, en effet, le risque de cette
37:16épée de Damoclès, que peut avoir une coalition
37:18de ceux qui sont exclus
37:20du compromis, pour faire
37:22une motion de censure, et on pourrait être,
37:24sur certains sujets, tenté de croire que
37:26les extrêmes se rencontreraient. – Merci beaucoup
37:28à tous les trois d'être venus ce matin
37:30nous éclairer avec des Lumières Européennes,
37:32Pascal Joannin, Carole Vinal,
37:34Spock Magnette, et c'est l'heure
37:36de retrouver Marie Sorbier, depuis Avignon.