À deux semaines des législatives, quel parti sort gagnant du chaos politique ?
Avec Franz-Olivier Giesbert, éditorialiste politique & Yoann Gillet, journaliste politique
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00:00Bonjour Franz-Olivier Gisbert.
00:04Bonjour Laurence Garcia.
00:06Éditorialiste, écrivain, auteur d'une histoire intime de la Ve République chez Gallimard.
00:10Bonjour Johan Gillet.
00:12Bonjour Laurence, bonjour Franz, bonjour aux auditeurs.
00:15Bonjour Johan.
00:16Et je sens déjà dans vos voix plutôt de la gravité.
00:20Alors cette semaine, déjà des tensions dans le nouveau Front Populaire
00:24avec l'exclusion des députés frondeurs insoumis, un LR déchiré autour du cas Ciotti.
00:29Marion Maréchal exclue de reconquête par Zemmour.
00:32Hollande candidat en Corrèze.
00:34Manif anti Rennes partout en France ce week-end.
00:37Oui, on peut certainement parler, mais c'est vous qui allez me le dire, de chaos politique cette semaine.
00:42Est-ce que le grand gagnant finalement, ce n'est pas le président Macron ?
00:46Franz-Olivier Gisbert.
00:48Je crois que c'est le grand perdant.
00:50Je crois qu'il apparaît aujourd'hui qu'il a fait une grosse erreur.
00:55Je dirais, ce n'est pas d'avoir dissous, parce que je pense que les Français,
01:00ceux qui s'intéressaient à la politique, savaient que ça finirait comme ça.
01:04Emmanuel Macron n'a pas de majorité.
01:07Je n'ai jamais oublié ça depuis 2022.
01:10Il fait croire qu'il en a eu, il n'en a pas.
01:12C'est pour ça qu'il est obligé de gouverner avec le 49-3.
01:14C'est une situation très compliquée.
01:16Et tout le monde pensait qu'il finirait par dissoudre, peut-être à l'automne,
01:19à l'occasion d'une notion de censure, etc.
01:21Là, il a voulu précipiter les choses.
01:23Il a voulu, c'est l'expression qu'il employait d'ailleurs,
01:26lancer une grenade des poupiers dans les jambes des politiques.
01:30C'est une stratégie totalement idiote, qui peut lui coûter cher.
01:35Pourquoi ? Parce que regardez simplement l'organisation,
01:38comment tout se passe, dans une sorte de panique,
01:40parce qu'il faut voter dans trois semaines.
01:42Enfin, c'est trois semaines, le temps de l'élection est réduit à trois semaines.
01:47Il aurait pu choisir un temps un peu plus long,
01:49ce qui était le cas d'ailleurs lors des dissolutions précédentes.
01:52Il y avait comme une volonté vraiment de...
01:54Donc, c'est pour ça que je pense que c'est grand perdant.
01:56C'est grand perdant, mais le diviser pour mieux régner, ça fonctionne quand même ?
02:01Écoutez, je ne vois pas en quoi tout ça le renforce.
02:04D'ailleurs, il suffit de voir les scores de renaissance.
02:06C'est-à-dire, je pense que d'ailleurs, il suffit de voir ce que disent de cette mesure
02:11la plupart des responsables de renaissance.
02:13Je pense qu'il y a une période...
02:14Il a fait ça un peu par dépit,
02:16oui, comme un enfant qui casse son jouet,
02:18mais ce n'était pas une décision mûrement réfléchie, hélas.
02:22Yohann Gillet, grand perdant le président Macron,
02:25grand gagnant l'URN pour nos auditeurs.
02:28Quel est votre regard, vous, sur cette semaine très chahutée, on va dire ?
02:33Le grand perdant, la grande perdante, c'est la France.
02:36C'est-à-dire qu'on va priver la France d'un débat d'idées,
02:39puisqu'il n'y a que trois semaines, comme le disait France.
02:41La grande perdante, c'est la raison.
02:44C'est-à-dire que nous n'allons plus pouvoir raisonner,
02:46nous allons nous opposer en nous entretuant,
02:49avec des alliances totalement improbables et illogiques.
02:53C'est-à-dire que quand des gens vous expliquent
02:55qu'ils ne peuvent pas s'entendre pendant des mois, voire des années,
02:58et qu'ils, là, en trois jours, arrivent à faire un programme,
03:00c'était donc que c'était très facile de faire un programme.
03:02Là, vous parlez du Nouveau Front Populaire, c'est ça.
03:04Par exemple.
03:05Mais de la même manière que vous avez de l'autre côté
03:07le Rassemblement National qui, depuis des années,
03:09dénonce le système UMPS,
03:11en parlant de ce système finalement qui s'entend,
03:15qui fait des combines à n'en plus finir,
03:18et ils vont faire le LRN.
03:20Donc tout ceci n'est que de la politique politicienne.
03:22Donc les grands perdants sont les Français,
03:24parce qu'ils n'ont pas le droit au débat d'idées
03:26et à la sincérité des idées.
03:28Le Président de la République a réussi sur un point,
03:30c'est la seule chose qu'il sait faire,
03:31et c'est ce que vous venez de dire, Laurence,
03:33c'est de divider la timbéra, diviser pour mieux régner.
03:36Comme il n'arrive pas à prévoir, à anticiper,
03:39il improvise, il fait des coups de poker avec la France.
03:41C'est dommage, il a pris la France pour un jeu de cartes,
03:44il a pris les Français pour des pions.
03:46Et ça fonctionne, puisque vous voyez bien
03:49que tous les partis gourmands d'électoralisme
03:51s'entretuent, s'entredéchirent.
03:53On voit bien une chose, c'est qu'en fait,
03:55l'Union fait la fronde, l'Union fait la purge,
03:58l'Union fait le cynisme, mais l'Union ne fait pas la force.
04:01Vous voulez réagir à ça, François-Olivier Gisbert ?
04:05L'Union ne fait pas la force, la purge ou l'exclusion ?
04:08Je suis d'accord.
04:10Le spectacle auquel on assiste, à bien des égards,
04:14est affligeant, et il ne va pas permettre
04:16de réconcilier davantage les Français avec la politique.
04:20Et je crains, hélas, que c'était l'objectif de Macron,
04:25c'est-à-dire de créer une sorte de grande désorganisation.
04:29D'ailleurs, qui, soit dit en passant,
04:31finit par faire passer le RN, le parti de l'ordre,
04:34le parti qui va arranger les choses.
04:36C'est ça qui est...
04:38C'est ce qu'on appelle, vous savez, aux Etats-Unis,
04:42il y a une formule, foot in the foot,
04:44c'est-à-dire se tirer dans les pieds.
04:46Je pense qu'Emmanuel Macron s'est quand même tiré dans les pieds.
04:49Alors, vous dites, il divise pour ligner,
04:51enfin, dans quel état sera-t-il ?
04:53Moi, je suis...
04:55Quand on voit, disons, la dissolution de Jacques Chirac,
05:01en 1997, qui était une mauvaise décision,
05:04c'était idiot,
05:06mais en même temps,
05:08comment dire,
05:10tout ça s'est passé quand même dans une relative dignité.
05:12Là, on a l'impression d'une espèce de panique générale.
05:15Et vous allez voir, ça ne profitera pas à Emmanuel Macron.
05:18Ça ne profitera pas, parce que ça pourrait lui profiter
05:20s'il se retrouvait avec un petit fonds de député.
05:24Mais il va perdre énormément de députés.
05:27Et tout ça, je pense que ça n'a pas été calculé.
05:29C'est comme souvent, d'ailleurs...
05:31Vous pensez que ça n'a pas été calculé,
05:32parce que lui, il dit qu'il le prépare depuis des semaines et des semaines.
05:35Non.
05:36Vous savez très bien qu'il y a un problème psychologique.
05:38Enfin, psychologiquement, il est étrange quand il dit
05:40« Je travaille beaucoup, j'ai beaucoup travaillé. »
05:42Parce que personne ne travaille en France, peut-être.
05:48Il ramène tout ça à lui.
05:50Et alors, je rejoins là ce que dit Yohann.
05:53C'est qu'en fait,
05:56là-dedans, on a le sentiment qu'à aucun moment,
05:58il n'a pensé à la France.
05:59C'est-à-dire qu'il a pensé à lui, à sa petite présidence,
06:03qui, effectivement, n'allait pas bien.
06:05Mais, je veux dire,
06:07le fait que tout ça soit improvisé, précipité,
06:11et empêche le moindre débat.
06:13Évidemment, ces politiques-là, ils sont surpris.
06:16Ils ont été pris par surprise.
06:17Et ils sont obligés de faire du bricolage.
06:20Donc, tout ça fait très politique-politicienne.
06:22Et ce n'est pas de leur faute.
06:23C'est parce qu'effectivement, il va falloir...
06:25Il faut passer aux jaunes dans trois semaines.
06:28Ce qui est dingue.
06:29Avec d'ailleurs l'intervention de deux ex-présidents,
06:32Nicolas Sarkozy, dans le JDD,
06:34qui critique à la fois la dissolution,
06:36qui critique également Éric Ciotti,
06:38en disant que s'allier avec le RN, c'est un renoncement.
06:40Et, forcément, François Hollande,
06:42qui se présente donc sur la première circonscription
06:46de la Corrèze, à situation exceptionnelle,
06:49décision exceptionnelle.
06:51Yohan Djélé ?
06:52Oui.
06:53Alors, je me suis demandé pourquoi il était intervenu
06:55sur TF1, l'ancien président de la République,
06:58François Hollande.
06:59Je me suis dit, c'est bizarre.
07:01Normalement, il est au-dessus de ça.
07:03Il a été président de la République.
07:04Il est arbitre.
07:05Il donne son avis.
07:06Il était allé soutenir Bernard Cazeneuve
07:09lors de la convention.
07:10Donc, il était plutôt du côté de cette gauche
07:12de gouvernement plutôt raisonnable,
07:14pas vers une gauche extrême, agitée,
07:17qui flirte avec l'inadmissible.
07:19Et quand il a dit ça, je me suis dit,
07:21où veut-il en venir ?
07:22On a compris le lendemain qu'il avait donc prévu
07:25de se présenter aux législatives.
07:27Donc, on a beaucoup mieux compris.
07:28Et je dis ça au passage parce qu'il faut bien
07:30se détendre un peu.
07:31Vous avez remarqué qu'aujourd'hui, il pleut.
07:32Il va pleuvoir toute la semaine.
07:33C'est vraiment le retour de François Hollande.
07:35Alors, où veut-il en venir, François Hollande ?
07:39François-Olivier Gisbert ?
07:41C'est-à-dire, oui, on a le sentiment que...
07:44On devient un argument de halefistes.
07:45Moi, je pense que François Hollande,
07:47il dit qu'il vient pour aider.
07:49Je pense qu'il vient aussi pour se venger.
07:51C'est-à-dire qu'il a été tellement combattu
07:53par tous ces gens aujourd'hui...
07:54Macron ?
07:55Non, François Hollande.
07:56François Hollande.
07:57Oui, mais il vient se venger de Macron ?
07:59Non.
08:00Oui, de Macron, bien entendu.
08:01Parce que Macron l'a trahi, bien sûr.
08:03Mais je pense aussi se venger
08:05de tous ces frondeurs aujourd'hui
08:07qui tiennent le haut du pavé.
08:09Tous ces gens qui ont pourri son quinquennat
08:13et qui, aujourd'hui, plastronnent.
08:15Et je pense que...
08:16Oui, vous verrez.
08:17Moi, je pense qu'il ne sera pas inerte.
08:20Je pense qu'il parlera beaucoup.
08:22Je pense qu'il vient pour ça.
08:23C'est-à-dire rétablir un peu les choses,
08:25rétablir les faits, rétablir l'histoire.
08:27Puis aussi essayer de construire quelque chose.
08:29Parce qu'il y a des personnalités
08:31qui sont à l'extérieur de toute cette histoire
08:33comme Bernard Cazeneuve, etc.
08:35Avec lesquelles il a des liens.
08:37Et je pense qu'il y a une petite toile d'arriée
08:39qui va commencer à être tissée
08:41dans les mois qui viennent
08:43avec toutes sortes de personnalités.
08:45Peut-être aussi Stéphane Le Foll, le maire du Mans.
08:47Enfin, tous ces gens-là.
08:49Et puis aussi les élus.
08:50Carol Delga, etc.
08:52Moi, je pense qu'au contraire,
08:54il vient pour essayer de faire le boulot.
08:56Il n'est pas forcément au premier plan.
08:58Pas forcément au premier plan.
09:00Je pense que ce n'est pas forcément son idée.
09:02Mais son idée, c'est d'essayer de reconstruire
09:04quelque chose.
09:06La gauche est en train d'oser par terre,
09:08malgré l'Union, parce que cette Union est ridicule.
09:10Elle est totalement par terre.
09:12Et je pense qu'il vient pour reconstruire.
09:14Quand François Hollande était
09:16Premier Secrétaire
09:18du Parti Socialiste,
09:20il avait cette formule qui consistait à dire
09:22comment tout ça va finir ?
09:24Par une bonne synthèse.
09:26La synthèse, ce n'est pas la confusion.
09:28C'est le compromis.
09:30C'est la convergence de ce qu'il y a à avoir.
09:32Mais là, ce n'est plus la synthèse.
09:34On est dans quelque chose
09:36de totalement absurde.
09:38On est dans quelque chose de totalement absurde
09:40avec, si vous voulez,
09:42des personnes à gauche
09:44qui se jetaient de l'antirépublicanisme
09:46à la face en s'accusant d'antirépublicain.
09:48Et maintenant, ils vous expliquent que les antirépublicains,
09:50ceux qui s'insultaient comme tels,
09:52vont se rassembler pour sauver la République.
09:54Je veux bien que les mots n'aient plus de sens,
09:56mais il faut quand même en garder un ou deux qui aient un peu de sens.
09:58Non, mais là, puisque vous faisiez
10:00un peu d'humour et
10:02de dodo-humour,
10:04moi, j'essayais
10:06de voir la réalité des choses derrière,
10:08mais sur l'analyse de fond,
10:10sur la galéjade
10:12populaire, avec tous ces gens
10:14qui se détestent et qui veulent...
10:16Enfin, je veux dire, ça va être...
10:18Ils vont s'entretenir, là, pendant...
10:20Mais vous ne croyez pas, vous, au nouveau Front populaire,
10:22alors, Frantz Olivier ?
10:24C'est une vaste blague ! Non, non, mais attendez,
10:26c'est pas ça que je suis en train de dire, je pense pas.
10:28Moi, je pense que Hollande, il ne vient pas du tout pour
10:30essayer de faire avancer ce Front populaire
10:32qui ne va pas tenir longtemps
10:34et qui est une escroquerie, vous verrez, ça va s'exploser
10:36très vite, tout de suite, après l'élection.
10:38Ils sont d'accord pour être élus,
10:40c'est tout, puis après, ils vont...
10:42Je pense que Hollande, il vient pour essayer
10:44de reconstruire la force
10:46de gauche, pas tout seul, évidemment.
10:48Et je pense qu'il sera, d'ailleurs, plutôt
10:50en appui d'autres personnalités.
10:52Ils vont essayer de travailler
10:54ensemble, parce que, l'heure est grave, il n'y a quand même
10:56plus de gauche en France, aujourd'hui, c'est ça le sujet.
10:58Et je pense qu'il fait partie des gens qui sont
11:00inquiets, qui ont envie de, voilà,
11:02de refaire une gauche, mais certainement
11:04pas comme leader,
11:06dont il ne serait certainement pas le leader.
11:08Ah ben, ça, c'est sûr. Bon, à suivre, de toute façon.
11:10Merci beaucoup pour vos lumières et vos avis.
11:12Ah, excusez-moi.
11:14Il ne faut jamais dire jamais en politique.
11:16Il ne faut jamais dire, parce qu'on ne sait jamais.
11:18C'est vrai, vous me le dites à chaque fois.
11:20Vous parlez de lumières, Laurence Garcia, elles sont un petit peu éteintes.
11:22Oui, on l'avait compris.
11:24Merci, Yohan Gillet. Merci,
11:26François-Olivier Gisbert. A très vite.