Guy Carlier : "Bernard Pivot s’est régalé de la vie"
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00:00 Il est 7h56, quartier libre, et je pense qu'on va continuer évidemment autour de Bernard Pivot.
00:07 Et oui, Guy qui évoque aujourd'hui une loi des séries qui touche le monde des lettres donc et de la télévision. Bonjour Guy.
00:13 Bonjour Guy.
00:14 Et oui, bonjour à tous. Il faut le reconnaître en ce moment, nos souvenirs prennent très cher et à peine nous remettions-nous ce week-end de l'annonce de la fin de l'émission des chiffres et les lettres,
00:29 qui nous a tous bouleversés, à l'exception de Laurie qui a participé dimanche à un concours de t-shirts bouillés.
00:36 En tout cas, à peine venions-nous d'apprendre la fin des chiffres et des lettres que Bernard Pivot vient de nous quitter à son tour.
00:42 Je crois qu'Elisabeth Lévy a prévu de vous parler de la fin de ces deux émissions, je dirais, enfin de cette émission et de cet homme,
00:52 et probablement de la fin du monde qu'elle représente, le monde d'avant et sa crainte du néant qui va le remplacer, j'imagine.
01:03 Donc je n'évoquerai pas ce thème-là.
01:06 On ne connaît pas vraiment les causes de la mort de Pivot, mais j'ai la certitude que c'est la fin des chiffres et des lettres qui l'a achevé.
01:14 Son cœur l'a lâché lorsqu'il a appris la nouvelle. Il n'a pas pu supporter l'idée de ne plus jamais voir ses candidats austères,
01:22 les dames retraitées avec leurs lunettes en sautoir, les instituteurs barbus tenant leur autoradio extractable,
01:30 et avec accroché à l'épaule une petite sacoche de cuir qui leur permettait de ranger clés et portefeuilles
01:36 sans déformer les poches de leur veste aux coudes renforcées d'une pièce de cuir.
01:41 Les chiffres et les lettres.
01:43 On s'est douté que la fin était proche lorsque l'émission quotidienne est devenue hebdomadaire.
01:47 Ça en télé, c'est la dernière station avant l'autoroute.
01:50 Et surtout, lorsqu'elle a été amputée de ses deux juges historiques, Ariel et Bertrand.
01:57 D'ailleurs, on n'a même pas retenu le nom de leurs remplaçants.
02:00 Là, ils vont se pointer à Pôle emploi, enfin France Travail.
02:03 La conseillère va leur demander "quel était votre dernier emploi ?"
02:07 "Bah c'était nous les juges dans l'émission des chiffres et les lettres."
02:11 "Ecoutez, vous ne moquez pas de moi, vous n'êtes pas Ariel et Bertrand."
02:14 "Je les ai rencontrés à l'inauguration de la halle aux chaussures sur la rocade."
02:19 Bon, c'est la fin des chiffres et des lettres suite au décès inexorable de ces téléspectateurs.
02:25 C'est ce qui est triste dans la disparition de cette émission.
02:28 C'est qu'elle nous rappelle que ce sont nos grands-mères qui regardaient les premières émissions
02:32 présentées par Christine Fabregas et Max Favallelli.
02:35 Et qu'à leur décès, les générations suivantes ne regardaient plus que par hasard, comme nous le faisions,
02:42 que dans l'espoir de voir sortir un mot à connotation scatologique ou sexuelle.
02:48 Ou pour voir la tension entre les deux juges qui ajoutaient et surajoutaient des précisions aux explications de leurs collègues.
02:56 Un mot pour Laurent Remeschko, qui depuis hier est moqué sur les réseaux sociaux
03:02 par des anonymes pour son rôle soi-disant mineur à la télé.
03:08 Des anonymes qui eux auraient vendu leur mère pour passer un quart d'heure à la télé.
03:13 Et Remeschko, sans lequel on ricane, alors que cet homme a représenté pendant des décennies
03:19 le gendre idéal de brave maman.
03:22 Et là, je suis sérieux, je crois que même lui n'a pas conscience de ça et n'en tient aucune fierté.
03:29 Mais pourtant, il fait partie de la famille de ces gens qui, tout au long de leur vie, l'ont accompagné.
03:36 Cette connivence, il y a très peu d'animateurs qui la créent.
03:39 Et ce sont ceux dont on se moque, comme Drucker.
03:43 Pivot aussi a fait partie de notre famille de vie pendant toutes ces années.
03:47 J'ai une anecdote avec lui, mais je n'ai pas envie de vous parler de moi.
03:50 Aussi, c'est insupportable, toutes ces personnes qui postent des selfies volées à Pivot sur le quai d'une gare.
03:56 Pivot, déjà, on entend les reproches de Sandrine Rousseau sur la venue à apostrophe de Matzneff
04:04 de ses goûts pour les bonheurs de la France d'avant.
04:09 Les grands auteurs, les grands crus, les grandes viandes, les grands footballeurs,
04:13 tous qui commençaient par "grand" et qui étaient suivis d'un mot de plaisir.
04:17 Pivot jubilait sa vie.
04:20 Bon, tu la veux l'anecdote ? Je l'ai rencontrée il n'y a pas si longtemps à Strasbourg.
04:24 Il venait de déjeuner chez Yvonne et il allait signer dans la fameuse librairie Kleber.
04:28 On a pris un café pendant le temps duquel il m'a parlé de Philippe Noiret,
04:33 qu'il avait croisé quelques jours plus tôt et qui, faisant le bilan de sa vie, lui avait dit
04:38 "Je me suis régalé".
04:40 Je crois que Bernard Pivot, lui aussi, s'est régalé sa vie.
04:44 A demain.
04:46 Sous-titrage ST' 501
04:48 [Musique]