#Metoogarçons : pourquoi les hommes parlent moins ou plus tard que les femmes ?

  • il y a 7 mois
Avec Jean Doridot, docteur en psychologie, fondateur de l’application Zenfie et auteur du livre Le bonheur est une science exacte (Larousse).

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Transcription
00:00 Sud Radio, ça va mieux en le disant, Jean Dorido.
00:07 Bonjour Jean.
00:08 Bonjour Jean-Marie, bonjour à tous.
00:09 Docteur en psychologie, fondateur de l'application Zenfie, auteur de ce livre "Le Bonheur est
00:13 une science exacte", c'est publié chez Larousse.
00:15 On vient avec vous ce matin sur un sujet grave, Jean.
00:18 La libération de la parole des victimes d'agressions sexuelles.
00:21 On a beaucoup parlé des femmes victimes qui prenaient la parole pour dénoncer leurs
00:24 agresseurs, notamment dans le cinéma, le cinéma français par exemple, avec l'actrice
00:29 Judith Godrej, mais on va se pencher sur les garçons aujourd'hui, avec la montée
00:33 de ce hashtag #MeTooGarçons.
00:35 On va se poser cette question avec vous Jean Dorido.
00:37 Pourquoi on a l'impression que les hommes parlent soit moins que les femmes, soit plus
00:43 tard pour dire qu'ils ont été victimes ?
00:45 Alors cette impression, elle est fondée d'abord sur des faits objectifs.
00:51 Il y a ce qu'on pourrait appeler une loi du nombre.
00:54 Il y a plus de femmes en valeur absolue qui dénoncent des agressions, notamment sexuelles,
00:59 que des hommes.
01:00 Et cet effet s'explique très certainement par une question de proportion, puisque la
01:05 plupart des études sur le sujet rapportent que pour un homme victime d'agressions sexuelles
01:11 ou de viol, on compte au moins trois femmes qui le sont.
01:14 Donc il y a un effet...
01:15 Une différence majeure.
01:16 Voilà, il y a un effet mécanique, si vous voulez, pour expliquer cette différence,
01:22 même si, vous l'avez dit, il y a des garçons, notamment Aurélien Wick, qui a lancé ce
01:28 hashtag il y a une semaine maintenant, #MeTooGarçons.
01:31 Pour autant, il y a sans doute d'autres explications qui ne sont pas mécaniques cette fois, qui
01:36 sont précisément psychologiques, pour comprendre cette disparité, cette différence de nombre
01:42 entre hommes et femmes sur le sujet.
01:44 Alors qu'est-ce qui pourrait expliquer justement que les garçons parlent moins que les femmes,
01:48 les filles ?
01:49 Quand vous écoutez les hommes victimes, en fait, ils vous expliquent qu'il y a des clichés
01:53 virilistes sur le sujet.
01:55 On connaît ces stéréotypes de genre avec notamment cette idée qu'un homme doit savoir
02:02 se défendre.
02:03 Et c'est vrai que lorsque vous écoutez les victimes d'agressions sexuelles ou de viols,
02:08 souvent les femmes s'entendent répondre des formules du genre "écoute, ça va, on n'en
02:13 meurt pas", alors que les hommes s'entendent répondre des formules du type "je ne comprends
02:20 pas que tu n'aies pas réussi à te défendre", avec même parfois dans la foulée des appels
02:26 à l'homophobie.
02:27 Et puis, il y a aussi une autre explication qui peut permettre de comprendre cette différence.
02:35 C'est ce qu'on appelle la distanciation sociale vis-à-vis de la victime.
02:39 Les études en psychologie rapportent que même quand vous trouvez quelqu'un plutôt
02:43 sympathique, lorsque vous apprenez que cette personne a été victime, vous avez tendance
02:48 à vous en distancier.
02:49 Et c'est particulièrement cruel.
02:51 C'est particulièrement cruel.
02:52 Et on peut imaginer que tout le travail qui est fait de longue date maintenant en victimologie
02:59 pour justement aider les femmes à ne plus avoir honte d'avoir été victime, peut-être
03:04 n'a pas encore été fait pour les hommes.
03:07 Toutefois, sur cette distanciation, vous l'avez dit Jean-Marie, particulièrement cruelle,
03:11 il y a un schéma, un processus psychologique majeur qui permet de comprendre effectivement
03:18 ce processus tellement cruel.
03:19 Alors justement, ce mécanisme, c'est quoi ?
03:20 Ce mécanisme, Jean-Marie Bordry, c'est la croyance en un monde juste.
03:24 En 1966, Lerner et Simons font des expérimentations à l'université de Waterloo au Canada.
03:30 Ils montrent un individu derrière une glace santin à des sujets expérimentaux.
03:36 L'individu, il est d'abord évalué.
03:37 Tout le monde le trouve plutôt sympathique.
03:39 On pose la question, aimeriez-vous être ami avec cette personne ?
03:42 Oui, pourquoi pas ? Elle a l'air tout à fait charmante.
03:45 Et puis, c'est dans l'expérience, cet individu se met à recevoir des chocs électriques
03:49 sans raison, sous prétexte d'un entraînement à la mémoire.
03:52 Évidemment, tout cela est faux.
03:54 C'est un comédien.
03:55 Et ensuite, on demande au même sujet expérimental, est-ce que vous avez toujours envie d'être
03:59 ami avec cette personne ?
04:00 Eh bien là, non.
04:02 C'est terminé.
04:03 Si je le vois souffrir, je peux être son ami.
04:05 Exactement.
04:06 Alors comment les psychologues expliquent ce phénomène ?
04:09 C'est précisément la croyance en un monde juste.
04:12 C'est cette idée, dans l'imaginaire collectif, que finalement chacun obtient ce qu'il mérite.
04:17 Et si je vois quelqu'un qui souffre, quelqu'un qui est comme moi, alors c'est que sans doute,
04:20 elle a dû bien le chercher.
04:22 Et c'est un mécanisme de défense.
04:23 La personne s'éloigne pour ne pas finalement souffrir elle-même d'empathie.
04:27 Elle met de la distance.
04:29 Il n'y a pas de fumée sans feu, ce genre de réflexion qu'on a déjà entendu.
04:32 Exactement.
04:33 Et si on peut envisager que là, où justement il y a un vrai travail de victimologie qui
04:37 est fait pour les femmes, il reste à faire pour les garçons exactement.
04:41 Alors d'accord Jean, mais si je vous comprends bien ce hashtag #MeTooGarçon qui est monté
04:45 en France, dans ce cas-là, c'est plutôt une initiative à saluer ?
04:48 Ecoutez, c'est un fait que c'est toujours très difficile pour une victime de faire
04:52 la démarche, de parler, justement, de se représenter comme étant une victime.
04:57 Et c'est un fait que tout ce qui va dans le sens de la libération de la parole, ce sont
05:02 des initiatives à saluer et à encourager.
05:05 Ne serait-ce que pour décourager tout acte qui pourrait survenir plus tard effectivement.
05:09 Merci beaucoup Jean Dorido.
05:11 Merci Jean-Marie.
05:12 Votre livre, je le rappelle, Le Bonheur, est une science exacte.
05:15 Il est ouvert à tous.
05:16 Il est publié chez La Rousse.
05:17 A bientôt.

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