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  • 27/02/2024
Un passionné de cartes et de camemberts pour qui cartographier le monde est avant tout une aventure de l'imagination, Jules Grandin nous fait le plaisir de sa visite ce soir.

Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out

Catégorie

😹
Amusant
Transcription
00:00 J'aime les voyages à pied, j'aime les voyages à bicyclette et j'aime les cartes.
00:05 Une carte c'est vraiment un objet magique, un objet que moi j'adore.
00:08 C'est un petit bout du monde posé sur le papier et ça nous permet de décrypter un petit peu l'environnement qui nous entoure.
00:14 J'aime la carte avant le voyage, j'aime la carte pendant mon périple.
00:19 Il faut savoir que pendant très longtemps les cartes c'était notre seule représentation du monde.
00:22 On attendait le retour des navigateurs pour pouvoir combler le néant.
00:26 Et enfin, j'aime la carte le soir, à la halte, pour revivre mon parcours.
00:32 Bonjour Jules Grandin, vous êtes titulaire d'un master en cartographie,
00:37 Carta existe !
00:38 et responsable de toutes les infographies pour les échos.
00:41 Par ailleurs vous avez arrivé à rendre la cartographie ludique, drôle et passionnante,
00:45 je vous le dis comme je le pense, sur vos propres réseaux et votre site qui s'intitule sobrementjulesgrandin.com.
00:51 C'est simple.
00:52 Vous avez toujours été fasciné par les cartes, qu'est-ce qui vous fascine là-dedans ?
00:56 Je ne sais pas si j'ai toujours été fasciné par les cartes, mais au moment où c'est parti,
01:01 ça ne s'est plus arrêté.
01:03 Et après, maintenant que je réfléchis, je me revois en train de préparer mon bac
01:06 et de recopier toutes les cartes d'Emmanuel de Géo et je me dis peut-être que j'aimais bien,
01:10 je ne le savais juste pas en fait.
01:11 Parce que personne n'aime les cartes des cours de géographie de 1er et des terminales.
01:15 Alors ça, je vais encore me faire insulter par tous les profs d'histoire sur Twitter,
01:18 mais je m'en fiche, je vais le dire quand même.
01:19 C'est parce qu'en France, l'histoire-géo, c'est le seul accès qu'on a aux cartes
01:23 et c'est enseigné par les historiens qui, généralement, n'aiment pas faire de la géo.
01:27 C'est de leur faute donc ?
01:28 Donc c'est totalement de leur faute.
01:30 Ok.
01:31 Vous savez que les profs d'histoire, c'est peut-être les auditeurs principalement de Transinter.
01:34 Vous venez vraiment de nous tirer une balle de la rédaction.
01:37 Si j'arrive et que je gâche une petite bombe, c'est comme ça.
01:39 Mais en vrai, la passion vient surtout du moment où j'ai eu un professeur de géographie
01:42 et pas d'histoire-géographie.
01:43 Quand j'étais en Hippocagne, les matières sont séparées
01:46 et là, on a un vrai professeur de géographie et là, ça change tout.
01:49 Donc la géographie, c'est comme faire de l'histoire mais sur le monde actuel.
01:53 C'est extrêmement passionnant.
01:54 Ce qui est marrant avec vous, c'est qu'on se rend compte qu'on peut tout cartographier.
01:57 Vous avez réalisé un atlas de la vie de Molière et de sa troupe.
02:00 Vous avez infographié, cartographié toutes les données de la première année de votre enfant
02:04 avec votre compagne.
02:06 C'était sur le compte Little Big Data.
02:07 C'est devenu un livre depuis.
02:09 C'est très drôle, le contenu est hilarant mais c'est un peu zinzin, non ?
02:12 Je vous remercie.
02:14 Il faut savoir que c'est deux projets que j'ai fait avec ma compagne
02:20 qui est une infographiste et cartographe de talent et de génie.
02:22 Elle s'appelle Clara de Alberto.
02:23 Vous êtes amoureux ?
02:24 Bien sûr.
02:25 Les gens nous font souvent cette remarque qu'on est un peu zinzin.
02:29 C'est vrai qu'on aime bien tout appréhender via le filtre soit de la cartographie
02:32 soit de la data visualisation.
02:34 Quand on se met à faire ça, on s'aperçoit qu'on peut expliquer beaucoup de choses comme ça.
02:38 Même si ce n'est pas forcément expliqué, c'est du moins représenté.
02:41 C'est la cartographie, quelque chose de très hiérarchisé
02:43 avec des liens, des choses proches, des choses loin, des choses qui font obstacle.
02:47 Et donc en fait, quand on s'y met, on peut très bien cartographier la vie d'un bébé,
02:52 la vie de Molière ou des choses non géographiques.
02:54 Mais il y a plein de gens qui pensent que la cartographie, c'est quand même pas passionnant
02:58 et pas fun.
03:00 Quand vous voulez convaincre quelqu'un que la cartographie, c'est ben le fun,
03:04 vous avez une carte magique, une carte de joker ?
03:06 Qu'est-ce que vous montrez en disant ça ?
03:09 Il y a quand même des choses auxquelles je pense.
03:10 Mais après, je ne suis pas vraiment d'accord.
03:11 Je pense que les gens adorent la cartographie.
03:13 Ils n'aiment pas forcément la géographie, mais la cartographie, ils adorent.
03:16 Peut-être même sans le savoir, mais à la base, il suffit de leur parler de carte
03:19 et ils sont emmenés assez vite.
03:21 Après, je pense par exemple au travail du linguiste Mathieu Avantzi,
03:24 qui cartographie le régionalisme, donc les accents, les mots qu'on utilise
03:27 à un certain endroit.
03:29 Ça, par exemple, sur le Facebook, ça cartonne.
03:32 Donc, en fait, les gens, ils ont quand même un rapport à ça.
03:34 La carte pain au chocolat, la chocolatine, combien on fait de bises, etc.
03:37 En fait, on a déjà vu passer ces cartes parce que ça fonctionne quand même assez bien
03:41 sur les réseaux.
03:42 Et les gens, ça leur plaît parce qu'en même temps, ça parle de chez eux aussi.
03:45 Et en même temps, ça leur fait une fenêtre sur le monde.
03:47 Donc, ça leur plaît.
03:48 - Vous dites que toute carte est un mensonge, un mensonge parfois nécessaire.
03:52 Ça mérite développement.
03:53 - Oui, alors, en fait, il ne vous aura pas échappé que la Terre est ronde.
03:57 Et du coup, si on veut la mettre sur un plan, sur une feuille de papier,
04:01 ça fait des déformations.
04:02 Ça peut paraître anodin comme ça, mais en vrai, c'est hyper important,
04:05 ces déformations.
04:06 Ça va mettre en place toute notre vision du monde.
04:09 Il y en a qui vont se mettre, quand on est à l'échelle de la planète,
04:12 c'est des projections cartographiques.
04:13 Ça fait que des fois, on peut se dire que le Groenland est plus petit que ce qu'il devrait
04:16 être, etc.
04:17 Mais il y en a aussi, plus on avance, plus on a besoin de précision,
04:20 plus il faut qu'on adapte ces déformations.
04:22 Donc, de base, quand on fait une carte, on est dans la simplification,
04:26 on est dans la sélection, on est dans le choix de base.
04:28 Donc, ça n'existe pas.
04:29 - Et on fiche aussi.
04:30 - Et aussi, on fiche dans le temps la donnée qu'on représente.
04:33 Donc, en fait, le simple exercice cartographique, c'est de la simplification nécessaire.
04:38 Donc, il n'existe pas la carte objective, parfaite.
04:42 - Il y a des cartographes militants, il y a des projets de cartes collaboratives.
04:47 On peut penser au réseau informel des bus à Mexico, qui a quand même été cartographié
04:51 par les usagers eux-mêmes et ce qui est devenu un outil très pratique.
04:54 Ça a un intérêt sur le terrain.
04:55 La carte, elle peut influencer le réel ?
04:57 Ça peut aller dans les deux sens ?
04:58 - Oui, tout à fait.
04:59 Je pense que déjà, ça peut être militant aussi, comme vous l'avez dit.
05:03 Par exemple, les Gilets jaunes, ça avait été très, très cartographié dans un projet
05:07 avec David Dufresne et Mediapart.
05:08 Ils avaient fait un truc, ça s'appelle de la cartographie radicale.
05:11 C'est de la cartographie un peu militante aussi.
05:13 Donc, ça peut totalement être comme ça.
05:15 Mais ce qui m'intéresse, c'est que vous dites, est-ce que la carte a influence le
05:17 monde ?
05:18 Moi, je suis à 100% avec vous.
05:19 Parce qu'en fait, tout ce qui est cartographié, ça revêt un peu un caractère de vérité.
05:26 Si c'est représenté sur la carte, ça veut dire que c'est vrai.
05:28 Et ça s'est vu dans l'histoire.
05:30 Il y a des moments où on a représenté sur la carte des choses qui n'existaient pas,
05:33 des erreurs cartographiques.
05:34 Le lac Paris-Mais, par exemple, qui était censé être en Guyane, ou alors une chaîne
05:37 de montagne qui s'appelle les monts de Cong en Afrique de l'Ouest, et qui reste sur
05:41 les cartes pendant un siècle et demi.
05:42 Parce qu'à la base, c'est une erreur.
05:44 Mais maintenant qu'elle est sur la carte, tout le monde la met sur la carte.
05:47 Et pour qu'on l'enlève, il va falloir aller sur le terrain et prouver la non-existence
05:51 de l'erreur.
05:52 Donc, là où c'est très intéressant, c'est s'il y a un peu un truc qui se passe
05:56 dans la tête des gens.
05:57 Si c'est sur la carte, c'est vrai.
05:58 Camille Etienne, comment un cartographe comme Jules Grandin pourrait vous aider dans votre
06:01 combat ? En faisant par exemple la carte de vos soulèvements ?
06:03 Là, ici, on s'est soulevé un petit peu à 2%.
06:06 Là, ça se soulève à 10%.
06:08 Comment il pourrait vous aider ?
06:09 Julie Gendron Ah non, j'ai plein d'idées, mais je ne sais
06:10 pas si on va les dire à la radio et des trucs comme ça.
06:13 Non, non, mais en fait, déjà, parce que comme vous le disiez, ça témoigne une représentation
06:19 du monde.
06:20 Il y avait tout un travail qui avait été fait, qui avait été assez dingue sur les
06:23 bombes carbone, représentées les plus de 400 et quelques bombes climatiques.
06:27 En fait, pour nous, c'était très important pour visualiser l'idée de dire que non,
06:33 en rien, le monde est en train de se défaire du carbone et du pétrole.
06:36 Pas du tout.
06:37 Même, on en a de plus en plus qui arrivent.
06:39 Donc, en fait, ça permet de déjouer comme ça, de déshabiller des paroles de décideurs
06:45 qui sont très éloignés de la réalité parce qu'il y a un argument d'autorité qui
06:48 vient avec les cartes.
06:50 Même pouvoir se représenter.
06:51 On travaille avec… Alors moi, je suis absolument nulle dans tout ce qui concerne la data et
06:55 ces trucs.
06:56 Donc, c'est toujours très, très utile pour nous d'avoir des gens qui puissent
06:59 manier parfaitement ces données-là.
07:02 Et même, ce serait trop intéressant d'avoir… Je ne sais pas, mais je me dis, ça avait
07:06 été fait une fois et c'est un travail immense et énorme de ractualiser toujours,
07:11 mais de regarder toutes les luttes locales qui existent et de se dire, en France, si
07:14 on veut rejoindre une lutte locale près de chez nous, si on a envie de défendre un territoire,
07:18 d'un aéroport, d'un troupeau Amazon ou que sais-je, où est-ce que je vais ? Qu'est-ce
07:22 que je peux rejoindre ? Qu'est-ce qui existe ? Et donc, avoir un endroit où on sait qu'on
07:25 peut aller et si on a un week-end à donner, un peu de temps à donner, qu'on veut défendre
07:29 quelque chose près de chez soi, son territoire, une carte des dangers du territoire, ce serait
07:34 génial.
07:35 - Il me semble effectivement que ça existe, une carte des grands projets.
07:38 - Ça peut être super local, mais ça a été abandonné parce que ça demande énormément
07:40 de travail.
07:41 Donc si les cartographes ont un peu de temps à donner…
07:43 - Jules, vous avez une idée, vous, avant de nous quitter ?
07:46 - De ?
07:47 - De cartes à faire ? Pour aider Camille ? Vous n'êtes pas obligé de vous engager,
07:53 Jules ?
07:54 - Non, non, mais les cartes, après, en fait, le truc, c'est qu'elles existent quasiment
07:56 toutes, les cartes sur ce sujet-là, elles ont quasiment presque toutes été faites,
08:00 elles sont à notre dispo, quoi.
08:01 On a cartographié l'érosion des côtes, on a cartographié le fait que les températures
08:05 montent, on a cartographié le fait que les banques se fondent, tout ça, c'est déjà
08:08 fait, en fait.
08:09 Maintenant, il faut que les gens s'en emparent et que les décideurs s'en emparent aussi.
08:12 Mais je ne sais pas si les cartographes peuvent faire beaucoup plus, j'ai un peu l'impression
08:14 qu'on a déjà fait.
08:15 - Moi, je crois qu'il faut cartographier tous les endroits, tous les bars où on peut
08:19 faire pipi, gratos.
08:20 Voilà, c'est ça qu'il faut faire, ça, ça aiderait Camille Etienne.
08:22 Ce que je retiens, en tout cas, c'est qu'il y a un argument d'autorité dans la carte.
08:26 La carte fait foi, on y croit.
08:28 Au revoir, Jules Grandin, merci beaucoup d'être venu.
08:31 J'invite tout le monde à faire un tour sur julesgrandin.com, sur votre compte Twitter
08:34 également, ou à découvrir les infographies hilarantes que vous avez réalisées avec
08:38 la mère de votre enfant, Clara De Alberto, pendant la première année de votre fille.
08:42 Ça s'appelle le bébé-graffe, on le retrouve en livre aux éditions Les Arènes.

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