Le 1er juillet 2002, pour les 45 écoliers montés à bord du vol Moscou-Barcelone, de Bashkirian Airlines, le voyage, qui était une récompense à leurs résultats scolaires, a viré au cauchemar. Deux heures et demie à peine après le décollage, leur avion, un Tupolev 154, percute un Boeing 757 au-dessus du village allemand d'Ueberlingen, les condamnant à une mort effroyable. Comment un tel accident a-t-il pu se produire ? Ce document reconstitue les minutes précédant la collision, à la recherche de tout indice susceptible d'avoir provoqué cette tragédie.
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00:00 de la technologie ont pu se trouver exactement au même endroit, au même moment.
00:04 Les catastrophes sont rarement le fruit du hasard. Elles résultent souvent d'un enchaînement
00:18 d'événements malheureux. Aujourd'hui, dans la Minute de Vérité.
00:22 Russie. Moscou. Aéroport international de Domo-Dyedovo. 1er juillet 2002, 20h10.
00:38 En récompense de leurs bonnes notes, 45 écoliers russes attendent d'embarquer
00:46 à bord d'un vol à destination de Barcelone. Parmi eux, Arthur Amatov, 11 ans.
00:54 Au début de l'année scolaire, on s'était mis d'accord. S'il finissait avec des notes
01:03 excellentes, il pourrait participer à ce voyage. Un soir, quand je suis rentré du travail,
01:11 il est venu me montrer son bulletin. Il m'a regardé une lueur d'espoir dans les yeux
01:17 et il m'a dit "papa regarde, j'ai tenu parole".
01:23 Parti d'Ufa, dans le centre de la Russie,
01:30 ces enfants sont coincés à Moscou après avoir manqué leur vol.
01:38 Un charter est donc affrété pour les conduire en Espagne.
01:41 Svetlana Kaloyeva et ses enfants, Constantin et Diana, font partie des passagers.
01:53 Ils vont retrouver leur mari et père qui travaillent en Espagne depuis un an et demi.
02:01 Je les avais au téléphone tous les jours. Ca rendait mon séjour un peu plus facile.
02:10 Mais c'était dur de rester si longtemps sans les voir.
02:15 Svetlana a eu de la chance de trouver des places sur ce charter Bashkir. Les visas
02:23 de la famille étant arrivées en retard, les autres vols affichés complets.
02:26 On allait enfin se retrouver, passer de bons moments tous ensemble.
02:33 L'équipage achève ses préparatifs.
02:44 20h48.
02:58 Le vol BTC 2937 de la compagnie Bashkir décolle de l'aéroport moscovite d'Omodiedovo.
03:06 Environ 3000 kilomètres le séparent de Barcelone et la durée du vol est
03:13 estimée à 4h20.
03:15 Suisse.
03:21 Centre de contrôle régional de Zurich.
03:24 23h.
03:27 Peter Nielsen, un aiguilleur du ciel de 35 ans, fait partie de l'équipe de nuit.
03:34 Avec un collègue, il gère un secteur de contrôle de l'espace aérien situé à cheval sur l'est de
03:43 la Suisse et le sud-ouest de l'Allemagne.
03:45 En journée, c'est un des carrefours les plus encombrés d'Europe.
03:49 Mais de nuit, le trafic se réduit à peau de chagrin.
03:53 Il n'y a alors plus que quelques avions dans le ciel.
03:57 Quand son collègue part faire une pause,
04:02 Peter Nielsen se retrouve seul responsable du suivi dans l'espace aérien de Zurich.
04:09 Il règle un radar pour le trafic traversant son secteur.
04:15 Et un autre pour les avions se posant à l'aéroport voisin de Friedrichshafen.
04:23 Aucun atterrissage n'étant prévu après 23h, Peter Nielsen se consacre exclusivement au
04:34 contrôle en route.
04:35 23h06.
04:42 Svetlana Kaloyeva, ses enfants et les autres passagers se trouvent à 36 000 pieds, environ
04:51 11 000 mètres au-dessus de l'Autriche.
04:58 Leur avion doit se poser à Barcelone dans un peu plus de deux heures.
05:03 A 600 kilomètres de là, un Boeing 757 de la compagnie DHL décolle de Bergam en Italie.
05:14 Sa destination, Bruxelles.
05:17 Le commandant et le copilote sont seuls à bord.
05:26 Des techniciens de maintenance arrivent en salle de contrôle.
05:35 -Utilisez l'auxiliaire, d'accord ?
05:38 Ils assurent l'entretien du radar principal.
05:41 A 23h21, l'avion cargo de DHL, le vol DHX-611, entre dans le secteur de Peter Nielsen.
05:59 Le commandant lui demande l'autorisation de monter à 36 000 pieds.
06:03 -Radar suisse, bonsoir DHX-611.
06:08 -DHX-611 identifié. Prévoyez montée d'ici 4 à 5 minutes.
06:15 Avant de donner l'autorisation, le contrôleur doit réguler le trafic.
06:20 -Descendez au niveau de vol 320.
06:24 Les techniciens s'occupent ensuite du téléphone.
06:27 -Faites vite, s'il vous plaît.
06:31 23h25.
06:36 Un vol inattendu approche de Friedrichshafen.
06:44 Peter Nielsen doit changer de poste de travail.
06:49 Un Airbus en retard, le vol AEF 1135, arrive pour se poser.
06:59 Le contrôleur tente de prévenir la tour de l'aéroport.
07:09 Sans succès.
07:14 Il lui reste 10 minutes avant que l'Airbus se pose.
07:20 Il retourne donc devant le radar du contrôle en route.
07:26 -DHX-611.
07:30 -Et donne à l'avion cargo la clairance pour monter à 36 000 pieds.
07:33 -Montez au niveau 360.
07:38 ...
07:44 -Ensuite, il repart s'occuper de l'Airbus et rappelle l'aéroport de Friedrichshafen.
07:49 ...
08:00 -BTC 2937.
08:03 -Le charter contacte l'aiguilleur du ciel.
08:07 -Contrôle aérien, répétez.
08:10 -BTC 2937, niveau de vol 360.
08:14 -Mais au moment où Peter Nielsen accuse réception, l'Airbus se manifeste.
08:19 -AEF 1135 pour approche finale.
08:22 -Guidage ILS, piste 24.
08:25 -Je vous rappelle bientôt.
08:28 -Peter Nielsen rappelle une troisième fois Friedrichshafen.
08:34 ...
08:37 -Nous ne pouvons donner suite à votre appel.
08:40 ...
08:45 -AEF 1135.
08:47 -Il appelle l'équipage de l'Airbus pour lui demander de contacter l'aéroport directement.
08:52 -Le contact est coupé avec Friedrichshafen. Pouvez-vous appeler avec votre deuxième radio ?
08:57 ...
09:04 -L'avion cargo est alors à 36 000 pieds au-dessus de la Suisse.
09:08 ...
09:11 -Soudain, un système anticollision appelé TCAS se déclenche.
09:16 ...
09:18 -Trafic, trafic, trafic, trafic.
09:23 -Au même moment, le TCAS de l'avion Bashkir se déclenche également.
09:28 -Trafic, trafic.
09:31 ...
09:34 -Les deux avions volent à 25 km l'un de l'autre, exactement à la même altitude, et se dirigent vers le même endroit.
09:42 ...
09:46 ...
09:54 -Subitement, Peter Nielsen se rend compte qu'il a un problème urgent à régler.
09:59 -BTC 2937.
10:03 -Il ordonne aussitôt à l'équipage russe de descendre.
10:06 -Descendez au niveau 350. Accélérez la procédure. Trafic convergent.
10:11 -Quelques secondes après, le TCAS indique exactement le contraire.
10:16 -Montez, montez, montez, montez.
10:20 -Il dit de monter ?
10:22 -Montez, montez.
10:25 -Au même moment, le TCAS de l'avion cargo demande à l'équipage de réduire l'altitude.
10:30 -Descendez, descendez.
10:33 ...
10:40 -L'équipage basquier se demande quelles consignes suivre.
10:43 -Montez, montez.
10:46 -Peter Nielsen renouvelle son instruction.
10:49 -Accélérez la descente au niveau 350, BTC 2937.
10:54 ...
11:04 -Lorsqu'il constate que les rues sont obtempérées,
11:07 le contrôleur leur signale que l'avion cargo arrive côté droit.
11:11 -Trafic identifié à 2 heures. Niveau de vol 360.
11:16 ...
11:19 -Il retourne ensuite s'occuper de l'airbus.
11:22 ...
11:29 -A bord du charter, l'équipage tente de repérer l'avion cargo.
11:33 ...
11:36 Les deux avions ne sont plus séparés que par 5 km.
11:40 ...
11:43 Tous deux descendent et se rapprochent l'un de l'autre à 1300 km/h,
11:47 plus vite que la vitesse du son.
11:50 -Là, il descend. -Regardez à gauche.
11:54 ...
11:57 -Descend à fond.
12:00 ...
12:10 ...
12:13 -23h35.
12:16 -AEF 11 35.
12:18 -L'équipage de l'airbus a enfin réussi à joindre Friedrich Schaffen.
12:22 -Friedrich Schaffen, c'est parti.
12:24 -L'aiguilleur du ciel peut désormais transférer l'avion.
12:27 -Affirme. Au revoir.
12:29 ...
12:41 -BTC 2937.
12:43 ...
12:46 BTC 2937.
12:48 ...
12:54 BTC 2937.
12:56 ...
13:07 -Des débris incandescents pleuvent du ciel près du Berlinguen, en Allemagne.
13:12 ...
13:27 ...
13:31 Au lever du jour, la police lance la plus vaste opération de secours
13:35 jamais entreprise dans la région.
13:38 ...
13:40 Une fois que les pompiers ont éteint l'incendie,
13:43 les sauveteurs entament une mission macabre, la recherche des cadavres.
13:47 ...
13:49 -Des avions se sont écrasés.
13:52 Tous les gens qui étaient à bord sont décédés.
13:55 ...
14:04 ...
14:07 -Les jours suivants, les familles des victimes arrivent sur les lieux.
14:11 ...
14:14 Parmi ces gens se trouve Zulfat Amatov, le père d'Arthur.
14:19 -Quand on est arrivés en Allemagne, ça a été un choc terrible.
14:24 Beaucoup de parents ont fondu en larmes en voyant les ailes cassées,
14:28 la queue brisée de l'avion.
14:31 ...
14:34 Malgré tout, on espérait que nos enfants allaient accourir,
14:38 qu'ils allaient surgir de quelque part.
14:41 Chacun de nous espérait une espèce de miracle.
14:44 ...
14:46 Vitaly Kaloyev arrive de Barcelone,
14:49 espérant toujours qu'on lui dise que sa femme et ses enfants n'étaient pas à bord.
14:53 ...
14:55 -Peut-être que c'était un autre avion, peut-être qu'il s'était passé autre chose.
14:59 Allez savoir.
15:01 ...
15:08 -Mais les enquêteurs confirment ses pires craintes.
15:11 ...
15:14 Les 71 personnes qui se trouvaient à bord des 2 appareils
15:17 ont bel et bien trouvé la mort.
15:20 ...
15:22 C'est le pire accident de l'aéronautique civile en Allemagne.
15:25 ...
15:29 Dans un secteur surprotégé par des systèmes de sécurité très performants,
15:33 comment un tel drame a-t-il pu se produire ?
15:36 ...
15:41 -Traffic !
15:43 -En retraçant le fil des événements
15:46 et en analysant en détail l'enquête qui a été faite,
15:49 nous allons vous révéler comment un enchaînement tragique
15:52 a conduit 2 avions à se trouver exactement au même endroit,
15:56 au même moment.
15:58 ...
16:03 Des enquêteurs du BFO, l'équivalent du bureau d'enquête et d'analyse,
16:07 sont dépêchés sur place.
16:09 ...
16:11 Jens Friedemann dirige l'équipe chargée d'analyser les lieux.
16:15 -Au départ, une enquête sur un accident d'avion
16:21 ressemble, je crois, à une enquête sur une scène de crime.
16:28 ...
16:32 Sur place, c'est vraiment le chaos.
16:37 Il y a des débris partout.
16:40 ...
16:46 Jens Friedemann ne peut faire aucune supposition.
16:49 Pas même partir de l'hypothèse que les 2 avions se sont percutés.
16:53 -Il y avait 2 avions au vol.
16:57 Y avait-il eu collision ?
17:00 S'était-il simplement frôlé au point que les pilotes
17:03 avaient perdu le contrôle ?
17:05 Naturellement, on l'ignorait.
17:08 -Sans les enregistreurs de vol, les enquêteurs essayent
17:12 de comprendre ce qui s'est passé en examinant les restes des avions.
17:16 ...
17:20 Les débris importants sont acheminés dans un entrepôt
17:23 du nord de l'Allemagne.
17:25 ...
17:31 Jens Friedemann ne tarde pas à lire l'histoire
17:34 que racontent les morceaux déchiquetés.
17:37 -Le Boeing était entré au contact du Tupolev
17:42 uniquement avec son empennage vertical qui avait été arraché.
17:47 ...
17:52 Le Tupolev était abîmé au niveau de l'aile gauche
17:56 qui avait été sectionnée.
17:58 Et il y avait aussi des traces d'abordage sur l'intradose
18:02 de l'aile droite.
18:04 -Les épaves indiquent que l'avion-cargo et le charter
18:08 se sont bien percutés en plein vol.
18:11 -A ce stade, on sait ce qui s'est passé.
18:14 La question, c'est de savoir pourquoi.
18:17 Comment ces deux avions ont-ils pu se retrouver aussi proches?
18:21 ...
18:23 -Sur les lieux du drame au milieu des débris,
18:26 les enquêteurs trouvent enfin ce qu'ils cherchaient.
18:29 ...
18:31 Les fameuses boîtes noires.
18:33 ...
18:40 ...
18:43 -Pour l'enquête, c'était très, très important.
18:46 ...
18:49 -Johan Reuss, du BFU, participe aux investigations.
18:53 Son travail, analyser le contenu des enregistreurs.
18:57 ...
18:59 -L'enregistreur phonique nous a été très utile
19:02 pour comprendre ce qui s'était passé dans le poste de pilotage,
19:06 pour savoir comment l'équipage avait pris ses décisions.
19:10 ...
19:13 -Johan Reuss analyse d'abord le TICAS,
19:16 le système embarqué d'évitement des collisions.
19:19 -La première chose à faire, c'était vérifier
19:23 si cet appareil avait fonctionné normalement,
19:26 comme il était prévu qu'il fonctionne.
19:29 ...
19:31 -Le TICAS dresse un plan en 3 dimensions autour d'un avion
19:35 en s'appuyant sur l'altitude, la vitesse et le cap de ce dernier.
19:39 Tous les aéronefs qui en sont équipés
19:42 se transmettent mutuellement et en permanence ces données.
19:46 Et lorsque 2 appareils se retrouvent trop près l'un de l'autre,
19:50 le TICAS avertit les pilotes.
19:52 -Trafic. Trafic.
19:54 -Au besoin, il leur adresse un avis de résolution.
19:57 -Descendez. Descendez.
19:59 ...
20:03 -En examinant l'enregistreur phonique,
20:06 Johan Reuss constate que le TICAS a fonctionné correctement.
20:10 -Trafic. Trafic.
20:12 -Avant l'abordage, le TICAS de chacun des avions
20:16 a émis et affiché un avis de résolution.
20:20 Le Tupolev a reçu l'ordre de monter
20:24 et le Boeing a reçu l'ordre de descendre.
20:28 -Si les avions avaient suivi ces instructions,
20:31 l'accident aurait été évité.
20:33 Mais si les pilotes du Boeing ont bien obéi à leur TICAS...
20:38 -Descendez. Descendez.
20:40 -Ceux du Tupolev ne l'ont pas fait.
20:43 -Montez. Montez.
20:45 ...
20:50 -Des experts américains se rendent sur les lieux
20:53 de la collision mortelle de 2 avions dans le sud de l'Allemagne.
20:57 -Le crash du Berlinghen a été un des plus gros
21:00 crashs de la vie.
21:02 -Le crash du Berlinghen fait la une dans le monde entier.
21:06 La presse se perd en conjecture et cherche un bouc émissaire.
21:10 -Le pilote de l'avion russe n'aurait pas tenu compte
21:13 des instructions répétées du contrôle aérien.
21:16 -Le TICAS conçu pour éviter les collisions
21:19 aurait-il facilité celle-ci ?
21:21 Pourquoi l'avion russe n'est-il pas descendu
21:24 quand il en a reçu l'ordre ?
21:26 Un problème de langue ?
21:28 -Le CVR, l'enregistreur phonique, permet rapidement
21:31 d'exclure une première hypothèse.
21:33 ...
21:35 -Zurich, bonsoir.
21:37 BTC 2937, niveau 360.
21:41 -Grâce au CVR, l'enregistreur phonique,
21:45 nous avons également pu établir que le problème
21:49 ne venait pas d'une maîtrise insuffisante de l'anglais.
21:53 -En revanche, l'enregistrement contient un indice curieux.
21:57 -Montez, montez.
21:59 -C'est clair. -Il dit de monter.
22:02 -Nous avons remarqué que le contrôleur aérien
22:06 avait donné une instruction.
22:09 -BTC 2937, descendez au niveau de vol 350.
22:13 -Et qu'au même moment ou tout de suite après,
22:17 il y avait eu une alarme TICAS.
22:20 -Montez, montez.
22:22 -Presque simultanément, les pilotes russes
22:25 reçoivent donc 2 consignes contradictoires.
22:28 -Descendez au 350. Accélérez la descente.
22:32 -L'équipage a dû faire un choix très, très rapidement.
22:37 Que faire ?
22:39 Et ces hommes ont eu un mal fou à se décider.
22:43 -Or, le choix aurait dû être simple.
22:46 Les 2 avions survolaient l'Allemagne.
22:50 Et les réglementations européennes sont claires.
22:54 Le TICAS a la préséance sur les contrôleurs aériens.
22:58 -Je ne m'expliquais pas qu'une telle chose ait pu se produire.
23:03 ...
23:08 -Montez, montez.
23:11 -Pourquoi l'équipage n'avait-il pas utilisé le TICAS
23:15 comme il devait et pouvait le faire ?
23:19 ...
23:23 -Depuis avril 2001, le TICAS est obligatoire
23:27 presque partout dans le monde.
23:29 Mais les enquêteurs découvrent une exception de taille
23:33 à cette règle, la Russie.
23:35 L'équipage russe savait-il se servir de cet appareil ?
23:40 ...
23:44 Rostam Mustafin est un ancien pilote de Bashkirian Airlines.
23:49 Il confirme que même si le TICAS n'équipait pas
23:53 de manière standard les avions assurant les vols intérieurs,
23:58 ceux effectuant les liaisons internationales en étaient munis.
24:03 -Dès que le TICAS est devenu obligatoire,
24:07 l'école de pilotage de Bashkirian Airlines s'est assurée
24:12 que ces pilotes étaient formés à son utilisation.
24:17 -Rostam Mustafin a volé régulièrement
24:21 avec les membres d'équipage du vol BTC 2937.
24:25 -Au moment du drame, on maîtrisait bien l'utilisation du TICAS.
24:31 -L'équipage savait donc comment le TICAS fonctionnait,
24:36 mais il n'a pas tenu compte de ses injonctions.
24:40 Le manuel de vol du Tupolev, la bible opérationnelle des pilotes,
24:46 explique pourquoi.
24:48 -Dans ce manuel, nous avons appris que les instructions
24:53 transmises par le contrôle aérien devaient toujours
24:57 avoir une priorité plus élevée.
25:00 -A l'époque, le manuel de vol stipulait que les consignes
25:04 données par le contrôleur aérien devaient avoir la préséance
25:08 sur le TICAS.
25:10 En cas d'alerte, c'est cette personne
25:13 qui faisait autorité en dernier recours.
25:16 -Contrairement aux règles européennes, les textes russes
25:21 autorisent les équipages à n'utiliser le TICAS qu'à titre
25:25 consultatif et à suivre, s'ils préfèrent,
25:28 les consignes du contrôle aérien.
25:31 Ces hommes suivaient donc bien la réglementation
25:36 concernant le TICAS, mais à la russe.
25:39 -J'aurais fait exactement la même chose.
25:43 J'aurais obéi au contrôleur.
25:46 Là, nous avons compris pourquoi cet équipage s'était comporté
25:53 de cette façon.
25:55 -Les enquêteurs ont découvert pourquoi les deux avions
26:00 descendaient. L'équipage de DHL suivait les ordres
26:04 de son TICAS et les pilotes russes, ceux du contrôle aérien.
26:09 L'explication n'est qu'à moitié satisfaisante.
26:13 Le TICAS intervient en ultime recours, car jamais des avions
26:17 ne devraient se retrouver assez près pour qu'ils se déclenchent.
26:21 Les enquêteurs s'intéressent alors à la salle du contrôle aérien.
26:26 Le contrôleur a pour tâche d'indiquer aux équipages
26:33 un changement d'altitude au moins 2 minutes avant
26:36 la sortie de l'avion.
26:38 Mais Peter Nielsen n'a informé les pilotes russes
26:41 qu'ils devaient descendre que 43 secondes avant l'accident.
26:44 -BTC 2937, accélérez la descente.
26:47 -Pourquoi le contrôleur a-t-il donné aussi tardivement
26:53 l'instruction visant à faire respecter la séparation
26:57 au point qu'il existe un risque d'accident ?
27:02 Grâce aux documents et aux interrogatoires du personnel
27:06 de Sky Guide, les enquêteurs découvrent que Peter Nielsen
27:09 était le seul contrôleur de service le soir du drame.
27:12 Or, la politique officielle de l'entreprise prévoyait
27:15 qu'il devait y en avoir au moins deux,
27:17 quelle que soit l'heure du jour et de la nuit.
27:20 Le BFO apprend également que c'était devenu une habitude maison
27:23 qu'un contrôleur prenne une pause prolongée
27:26 lors du service de nuit.
27:30 Tom Lorsen était un ami de Peter Nielsen,
27:33 avec qui il avait travaillé pendant plusieurs années.
27:36 -Peter a assuré le service de nuit ce soir-là
27:43 comme on le faisait toujours.
27:45 Il n'y avait qu'un contrôleur parce que le trafic était très réduit.
27:49 Entre 23h et 6h du matin, aucun atterrissage n'est prévu
27:55 dans les aéroports des environs.
27:58 Or, vers 23h25, en ce 1er juillet 2002,
28:02 Peter Nielsen voit tout à coup arriver un avion qui veut se poser.
28:06 -Il a géré une approche vers Friedrich Schaffer.
28:12 C'était très inhabituel qu'un avion arrive à cette heure-ci
28:18 à Friedrich Schaffer.
28:20 J'imagine que le contrôleur a dû être un peu surpris.
28:24 Selon la réglementation, Peter Nielsen doit contacter
28:27 la tour de contrôle de l'aéroport
28:29 avant de préparer l'avion pour l'atterrissage.
28:32 Normalement, ça se passe très simplement.
28:35 Il suffit d'appuyer sur un bouton
28:37 pour que le téléphone sonne à la tour de Friedrich Schaffer.
28:41 Les relevés d'appels montrent que la communication
28:45 de Peter Nielsen n'aboutit pas.
28:47 -Il y a un problème.
28:51 -Le téléphone ne sonne pas.
28:53 A cause des travaux de maintenance,
28:56 le téléphone était en mode auxiliaire.
28:59 Le contrôleur aurait quand même dû être en mesure
29:04 de passer un appel en appuyant sur le bouton en question.
29:08 Or, l'analyse du téléphone révèle un problème dramatique.
29:19 -Le système auxiliaire, qui aurait dû être disponible
29:22 ce soir-là, ne fonctionnait pas.
29:24 Les communications téléphoniques ne passaient pas
29:27 à cause d'un problème technique.
29:29 -Peter Nielsen tente à plusieurs reprises
29:35 de contacter Friedrich Schaffer.
29:37 Cette tâche, qui devrait être routinière,
29:40 accapare alors l'essentiel de son temps.
29:43 -Nous ne pouvons donner suite à votre appel.
29:48 -Etait-il plus occupé que dans les conditions habituelles ?
29:51 Il devait trouver une solution de secours.
29:54 Il devait trouver un autre moyen de communiquer.
29:57 -Le contact est coupé avec Friedrich Schaffer.
30:02 Pouvez-vous appeler avec votre 2e radio ?
30:05 -Occupé par le transfert de l'Airbus en retard,
30:08 Peter Nielsen néglige le contrôle en route.
30:11 -Pendant environ 5 minutes, il s'est concentré sur ce problème.
30:15 Il a été moins attentif à ce qui se passait sur son écran radar.
30:19 -Pourtant, son radar est équipé d'une fonction d'alerte
30:29 qui aurait dû lui signaler l'imminence du danger.
30:32 C'est le rôle du filet de sauvegarde, ou STCA.
30:36 -Le filet de sauvegarde est un système similaire au TCAS,
30:43 mais au sol.
30:45 A l'écran, le logiciel nous indique un conflit
30:50 qui nous a peut-être échappé.
30:53 Si on ne repère pas le problème à temps,
30:55 l'ordinateur nous prévient.
30:57 -2 minutes avant une collision éventuelle,
31:02 une alerte STCA aurait dû apparaître sur les 2 écrans
31:05 de Peter Nielsen, accompagnés par un signal sonore.
31:12 C'est exactement ce qui s'est passé à environ 180 km de Zurich,
31:15 à Karlsruhe, en Allemagne.
31:18 -Le contrôleur aérien de Karlsruhe a lui aussi remarqué,
31:26 sur son écran radar, que 2 avions se rapprochaient
31:29 de plus en plus l'un de l'autre.
31:32 -L'enquête révèle que cet aiguilleur du ciel
31:38 a essayé de prévenir Peter Nielsen.
31:42 Le système téléphonique de Zurich étant défectueux,
31:45 il n'a pas pu le joindre.
31:48 D'après le règlement, un contrôleur n'a pas le droit
31:52 de contacter les avions hors de son secteur,
31:54 à moins que son collègue ait perdu conscience
31:56 ou qu'il ait quitté son poste.
31:59 L'aiguilleur du ciel de Karlsruhe s'en tient à la procédure
32:04 et essaye à 11 reprises de joindre son collègue en Suisse.
32:07 En vain.
32:09 -BTC 2937.
32:12 -L'enquête révèle aussi que l'alarme visuelle
32:14 du filet de sauvegarde de Peter Nielsen ne s'est pas déclenchée.
32:18 Johan Reuss apprend que le radar de Zurich
32:21 subissait des opérations de maintenance
32:23 et était également en mode auxiliaire.
32:26 -Compte tenu des opérations de maintenance prévues sur le radar,
32:36 toutes les fonctions actives habituellement n'étaient pas disponibles.
32:41 -Le fonctionnement en mode auxiliaire
32:45 prive Peter Nielsen d'un dispositif de sécurité important,
32:49 l'alarme visuelle du filet de sauvegarde.
32:52 C'est la dernière pièce du puzzle.
32:59 Elle explique pourquoi l'aiguilleur du ciel
33:01 n'a ordonné à l'avion russe de descendre
33:03 que 43 secondes avant la collision.
33:06 -L'enquête nous a montré que de nombreux événements malheureux
33:17 se sont conjugués au niveau du contrôle aérien.
33:21 -Si Peter Nielsen avait entendu l'alerte STCA
33:29 avant que le T-CAS se déclenche à bord des avions,
33:33 il n'y aurait pas eu de conflit et donc pas d'accident.
33:37 Mais il y a eu un ultime coup du sort.
33:46 19 secondes avant le drame,
33:50 Peter Nielsen a signalé à l'équipage russe
33:53 la proximité d'un Boeing arrivant par la droite.
33:57 -Trafic identifié à 2 heures. Niveau de vol, 360.
34:01 -Où est-il ?
34:04 -En fait, il arrivait à 10 heures, c'est-à-dire par la gauche.
34:08 Selon les enquêteurs, la seule raison
34:15 expliquant cette erreur serait le stress.
34:18 Rien ne dit que les pilotes russes
34:23 auraient eu le temps de remonter et d'éviter la collision,
34:26 s'ils avaient repéré le Boeing plus tôt.
34:28 Mais l'enregistreur de paramètres indique
34:31 que dans les toutes dernières secondes du vol,
34:33 c'est ce qu'ils ont essayé de faire.
34:35 A l'impact, le charter se disloque en 4 tronçons.
34:52 -Montez, montez, montez, montez.
34:56 L'avion cargo part dans une vrille incontrôlable.
34:59 21 février 2004.
35:08 Alors que les enquêteurs rédigent leur rapport final,
35:13 Vitaly Kaloyev arrive à Zurich.
35:16 Son obsession ? Trouver un bouc émissaire
35:21 pour la mort de sa femme et de ses enfants.
35:24 -Je voulais les entendre dire,
35:29 nous sommes responsables,
35:31 mais pardonnez-nous si vous le pouvez.
35:34 Ces gens avaient tué un tas d'enfants,
35:37 mais rien n'avait suivi.
35:39 Pas d'excuses, pas de condoléances, rien du tout.
35:43 Peter Nielsen travaille toujours pour la société Sky Guide,
35:48 mais dans un service d'analyse de la sécurité.
35:51 Et Vitaly Kaloyev a découvert son adresse.
35:54 -Je suis allé voir le contrôleur.
36:02 Je savais que c'était lui
36:04 qui avait été de service cette nuit-là.
36:07 Toute cette histoire devait se terminer.
36:10 Je ne voulais pas attendre plus longtemps
36:12 et j'ai décidé d'y mettre un terme moi-même.
36:15 Nielsen est sorti.
36:17 Je lui ai montré les photos de mes enfants
36:20 allongés dans leur cercueil.
36:22 Il a repoussé ma main.
36:24 Et après, il a eu ce qu'il méritait.
36:27 Certains ont dit que c'était de la vengeance.
36:34 Mais la vengeance, c'est quelque chose de négligeable.
36:38 C'est un peu comme un choc.
36:41 La vengeance, c'est quelque chose de négligeable.
36:45 En ce moment, quand on a été victime d'une insulte grave,
36:49 ça n'avait rien à voir avec de la vengeance.
36:53 C'était un châtiment.
36:55 -En Suisse, un homme a été arrêté
37:05 suite au meurtre d'un contrôleur aérien
37:08 qui a été en service lorsque deux avions s'étaient percutés
37:12 il y a deux ans.
37:14 -Pourchassé et poignardé sous les yeux de sa famille.
37:17 Assassiné pour une erreur tragique.
37:19 -Peter Nielsen avait 36 ans.
37:21 Il était marié et père de trois enfants.
37:24 Après son arrestation,
37:26 Vitalik Aloiev est interné en hôpital psychiatrique,
37:30 le temps que le tribunal statue
37:32 pour savoir s'il est mentalement apte à comparaître.
37:36 Il est finalement condamné à 8 ans de prison
37:39 pour meurtre avec préméditation.
37:41 En novembre 2007, il est libéré
37:43 après qu'une procédure en appel
37:45 a conclu qu'il avait agi en état de responsabilité restreinte
37:49 compte tenu du décès de sa femme et de ses deux enfants.
37:53 Il n'a jamais exprimé aucun regret.
38:02 En mai 2004, au bout de deux ans d'un travail minutieux,
38:06 les enquêteurs allemands publient leur rapport final.
38:10 Grâce au travail du BFO,
38:13 il est désormais possible de reconstituer
38:16 l'enchaînement des événements.
38:18 1er juillet 2002.
38:26 20h48, 2h47 avant le drame.
38:32 Un charter de la Bashkirian Airlines
38:35 décolle de l'aéroport d'Omodiedovo de Moscou.
38:38 H - 20 minutes.
38:43 Au centre de contrôle régional de Zurich,
38:47 deux aiguilleurs du ciel sont en poste.
38:50 L'un d'eux part en pause,
38:52 laissant Peter Nielsen travailler seul.
38:55 H - 12 minutes et 33 secondes.
38:59 Un avion cargo de la compagnie DHL
39:02 entre dans le secteur géré par Peter Nielsen
39:05 et demande l'autorisation de monter à 36 000 pieds.
39:09 H - 9 minutes et 49 secondes.
39:13 Un Airbus en retard se présente pour se poser à Friedrichshafen.
39:17 Le contrôleur essaie de contacter l'aéroport
39:22 pour lui transférer le vol,
39:24 mais son téléphone étant en cours de maintenance,
39:27 il est sur auxiliaire et ce mode est défectueux.
39:30 H - 5 minutes et 21 secondes.
39:36 Le charter Bashkir appelle Peter Nielsen.
39:39 Il vole à 36 000 pieds et va bientôt entrer dans son secteur.
39:43 - Bonsoir Zurich, BTC 2937.
39:47 - A H - 2 minutes,
39:50 le charter et l'avion cargo sont à la même altitude,
39:53 à moins de 44 km de distance,
39:55 et ils se rapprochent l'un de l'autre
39:57 à une vitesse supérieure à celle du son.
40:00 Le filet de sauvegarde, ou STCA,
40:05 devrait avertir Peter Nielsen de l'imminence d'une collision.
40:09 Mais le radar étant lui aussi en mode auxiliaire,
40:14 le STCA ne dispose pas de toutes ses fonctions.
40:17 H - 43 secondes.
40:23 Peter Nielsen remarque enfin que les deux avions risquent de se percuter
40:27 et ordonne sitôt à l'équipage russe de descendre.
40:30 - Descendez au 350.
40:33 Quelques secondes plus tard, le STCA signale un problème aux deux appareils,
40:38 demandant à l'avion cargo de descendre.
40:40 - Descendez, descendez.
40:43 - Et au charter de monter.
40:45 - Montez.
40:46 - Il nous fait descendre.
40:51 Le contrôleur ignore que les deux avions ont reçu des avis de résolution
40:54 et renouvelle ses consignes à l'équipage russe.
40:57 - VTC 2937, descendez au niveau 350.
41:02 Dans un tel cas de figure, la réglementation russe laisse l'initiative au pilote.
41:07 Ceux-ci décident de suivre les instructions de Peter Nielsen.
41:10 Et les deux avions descendent.
41:12 H - 19 secondes.
41:17 Peter Nielsen pense que le conflit a été résolu.
41:21 Avant d'en terminer, il informe l'équipage russe que l'avion cargo arrive par la droite,
41:26 alors qu'il se trouve de l'autre côté.
41:28 - Où est-il ?
41:31 H - 3 secondes.
41:34 Les pilotes russes repèrent le Boeing.
41:37 - Regardez à gauche.
41:39 Ils tirent sur le volant, mais il est trop tard.
41:42 - Descend à fond.
41:44 Descend à fond.
41:46 A 23h35, les deux avions se percutent à 35 000 pieds au-dessus de la ville allemande du Berlinguen.
41:57 Les 71 personnes qui se trouvaient à bord des deux appareils trouvent la mort.
42:10 Le rapport d'enquête du BFU conclut que Peter Nielsen et les pilotes russes ont commis des erreurs graves.
42:17 Mais la cause première de l'accident est la négligence de Sky Guide.
42:24 En mai 2004, sitôt le rapport du BFU publié,
42:29 le PDG de l'entreprise, Alain Rossier, présente des excuses lors d'une conférence de presse organisée à Zurich.
42:38 - Nous aussi, nous avons commis des erreurs et nous le regrettons profondément.
42:43 Nous assumons notre pleine et entière responsabilité,
42:50 telle qu'elle est décrite dans le rapport du BFU,
42:53 et nous prions les familles des victimes de nous pardonner.
43:02 En septembre 2007, un tribunal helvète condamne quatre employés de Sky Guide pour homicide par négligence.
43:09 Trois cadres, qui ont toléré la politique dite du contrôleur unique, écopent d'un an de prison avec sursis.
43:18 Le technicien chargé de surveiller les opérations de maintenance la nuit du drame
43:23 est condamné à verser une amende de 13 500 francs suisses, un peu plus de 11 000 euros.
43:30 Suivant les recommandations du BFU, Sky Guide lance un vaste plan de réforme de ses procédures.
43:36 La société doit désormais s'assurer qu'il y a systématiquement deux contrôleurs en service, même lors des nuits calmes.
43:44 Personne ne se retrouvera jamais plus dans la même situation que Peter Nielsen.
43:49 Les enquêteurs recommandent également que les réglementations régionales et internationales
43:56 concernant le TCAS soient harmonisées, tout comme les manuels de vol.
44:01 Le TCAS doit avoir la priorité sur les contrôleurs aériens.
44:06 On ne peut pas être sûr à 100% que ce genre d'accident n'arrivera plus jamais,
44:13 mais nous sommes convaincus d'avoir largement contribué à ce qu'un tel drame ne se reproduise pas.
44:20 [Bruit de moteur]