Violences : Macron a-t-il raison de parler de “décivilisation” ?

  • l’année dernière
Les Vraies Voix avec Philippe Bilger, Françoise Degois, Sébastien Ménard et Eduardo Rihan Cypel, ancien député, porte-parole de Territoires de progrès et maître de conférence à sciences-po.

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##LE_COUP_DE_PROJECTEUR_DES_VRAIES_VOIX-2023-05-25##

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Transcription
00:00 Les vraies voix Sud Radio, le code projecteur des vraies voix.
00:04 Et donc pour dénoncer la montée de la violence ces derniers jours dans le pays, Emmanuel Macron a réclamé
00:09 l'intransigeance du gouvernement sur tout type de violence, verbale ou contre les personnes.
00:13 Pour le chef de l'État, un objectif à atteindre, celui de contrer le processus de décivilisation en France.
00:19 Des propos qui ont fait réagir Philippe.
00:20 Oui, Cécile, à gauche on reproche au président d'avoir employé un concept repris par Renaud Camus, classé à l'extrême droite.
00:27 À droite on partage l'inquiétude du chef de l'État.
00:30 L'expression "fait polémiquer pour cause", élaborée dans les années 30 par un sociologue allemand.
00:34 La décivilisation est aujourd'hui un concept phare du penseur Renaud Camus, que je viens de citer d'ailleurs.
00:39 Alors qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que pour vous, toutes les violences gratuites qu'on a,
00:43 où on peut se faire tuer pour un téléphone portable, c'est la décivilisation ?
00:47 Est-ce que pour vous, le fait qu'il n'y ait plus de respect, qu'il n'y ait plus de respect pour les adultes,
00:52 par exemple, on parlait, pour l'être humain, on parlait du harcèlement tout à l'heure, c'est une partie de la décivilisation ?
00:58 Ou est-ce que pour vous, la décivilisation c'est un fantasme ?
01:01 Vous pensez que Macron a raison ? Vous pensez qu'il a tort ? Un seul numéro, le 0 826 300 300.
01:07 - Sur la question "Emmanuel Macron a-t-il raison de parler de décivilisation ?" vous dites "non" à 62%.
01:12 Ça a bien bougé, parce que tout à l'heure c'était plutôt très équilibré.
01:14 Edouard Daud, rayon Cinepel, est avec nous, ancien député, porte-parole de Territoire de Progrès et maître de conférences à Sciences Po, est avec nous.
01:20 Bonsoir. - Bonsoir. - Merci d'être avec nous.
01:23 On va faire un tour de table et je vous demanderai si vous permettez qu'on comprenne ce que veut dire réellement le mot "décivilisation".
01:30 Philippe Bilger. - Alors, Cécile, là, le sujet est relativement important et je crains d'être un peu plus longue d'habitude.
01:37 Si la civilisation c'est la tranquillité, la courtoisie, le langage à la place de la violence,
01:47 un certain nombre de règles urbaines, courtoises, si c'est une manière de vivre ensemble sur un mode pacifique,
01:57 bien sûr, on est dans un état de décivilisation.
02:02 Alors, je ne le dirai pas pour chaque infraction prise isolément,
02:06 mais il est évident que je peux approuver le président de la République s'il estime qu'on est dans un mouvement de décivilisation.
02:15 Deuxième élément, ce qui me gêne dans ses propos, et je rejoins là cette aptitude ou cette proportion répressive que j'ai,
02:24 il ajoute "il faut être intraitable" et on sait qu'il a toujours été incapable de l'être et que surtout, il cultive tout le temps le deux poids deux mesures.
02:35 Et dernier élément, et j'ai fini Cécile, c'est le fait qu'il faut arrêter tout de même avec cette obsession
02:42 à chaque fois qu'on utilise un mot du vocabulaire, là en l'occurrence c'est "décivilisation",
02:48 demain ce sera "remplacement", même si l'extrême gauche utilisait le même, on viendrait dire "ah, ils sont en train de copier Renaud Camus" ou que sais-je.
02:58 On a le droit dans l'immense vivier du vocabulaire français de choisir les mots qu'on a envie d'utiliser,
03:06 ça ne veut pas dire qu'on est dans la lignée intellectuelle délétère de tel ou tel penseur, ça devient extravagant.
03:13 - Vous savez très bien que si, et vous savez très bien qu'Emmanuel Macron est trop intelligent pour ne pas choisir ce mot à un dessin.
03:20 Décivilisation, ça voudrait dire que nous serions quasiment dans un processus de décadence, la décivilisation c'est ce qui précède la barbarie.
03:29 Donc double faute d'abord d'Emmanuel Macron, la première faute c'est une faute politique.
03:33 Bien sûr, Eduardo, mon camarade, va me rappeler que ce concept a été inventé par la gauche,
03:38 mais de la même manière la bataille culturelle a été inventée par Gramsci,
03:43 grand penseur visionnaire communiste italien, tué par les fascistes parce qu'emprisonné par Mussolini,
03:48 et l'extrême droite s'en est emparée de la bataille culturelle, et l'extrême droite bien sûr s'est emparée de la décivilisation.
03:54 Et puis, donc, parler de décivilisation, bien sûr c'est un immense clin d'œil à la droite la plus radicale et à l'extrême droite,
04:01 il le fait exprès, moi ça me fait un peu mal au ventre, voilà un homme qui a été élu à deux reprises pour barrer la route de l'extrême droite,
04:08 et qui pense qu'il est plus malin que l'extrême droite, et que, en reprenant des concepts vaseux qu'il ne maîtrise même pas,
04:13 le même qui nous disait "y'a pas de civilisation française", y'a quatre ans on nous explique qu'il y a une décivilisation.
04:18 - Y'a pas de culture française. - De civilisation française, je suis désolé, et de civilisation française.
04:22 Donc, ça c'est le troisième, oui, le troisième point, ça me fait un peu mal et rigoler de voir ce président qui est en fonction depuis six ans
04:30 nous expliquer "oh là là, c'est terrible ce qui se passe en France", oui, et qui est-ce qui dirige la France depuis six ans, voilà.
04:36 - Sébastien Maillard. - Alors, je ne suis évidemment pas d'accord du tout avec Françoise,
04:41 que peut-on dire quand on voit des jeunes gens massacrés à coups de kalachnikov dans des quartiers plutôt paisibles de Marseille,
04:49 pour autant qu'il y en ait encore, que doit-on dire quand on a trois fonctionnaires de police qui sont massacrés dans leur voiture ?
04:56 - Dans un accident de voiture, on les rappelle. - Non, non, non, on rappelle. - Soyons, on remet quand même les choses à leur place, Sébastien.
05:01 - Donc, on peut pas, les mots, effectivement, ont leur importance, comme Philippe, je pense qu'on ne peut pas, aujourd'hui,
05:08 ramener, je dirais, le champ lexical qui consisterait à dire que notre société s'en sauvage, que la barbarie, finalement,
05:18 on est susceptible de la rencontrer, j'ai pas envie de dire à tous les coins de rue, enfin, il y a des gens plus ou moins privilégiés, d'autres beaucoup moins,
05:25 voilà, aujourd'hui, on n'est pas obligé d'être d'extrême droite, ce qui n'est pas mon cas, et personne ne pourra me faire ce procès-là,
05:31 de dire que la société s'en sauvage, la société se barbarise, et que, oui, on assiste à une décivilisation, pas que de la France,
05:41 mais, je dirais, d'une partie de l'humanité. - On va donner la parole à Édouard de Réan-Sippel, j'ai vérifié,
05:45 Emmanuel Macron avait bien dit "il n'y a pas une culture française", il y a une culture en France, il n'a pas parlé de civilisation.
05:50 - Si, dans un autre discours, il parle de la civilisation française. - Ah bah, écoutez, j'ai cherché sur Google et il n'a pas trouvé.
05:53 Édouard de Réan-Sippel, est-ce que pour vous, il y a une décivilisation en France ?
05:57 - Moi, je suis ravi de ce débat, parce que ça nous permet, à travers ce mot du Président de la République, je rappelle qu'il a juste dit un mot
06:04 qui a été rapporté par la presse, il n'a pas écrit une thèse ni un livre sur le sujet, jusqu'à nouvel ordre, mais ça permet de populariser
06:11 et de faire connaître ce grand sociologue allemand, qui est peut-être le plus grand sociologue du XXème siècle, Norbert Elias,
06:18 qui a écrit, en 1939, il publie "Le processus de civilisation", et qui a donné suite, par lui-même et surtout par ses disciples,
06:27 ou par des gens qui travaillent dans sa lignée, à l'idée de décivilisation, que lui-même a introduit dans un texte qui s'appelle "Les Allemands à la fin de sa vie" en 1989,
06:35 dans lequel il cherche à comprendre comment une société, un pays comme l'Allemagne, qui est le plus civilisé, le plus avancé culturellement,
06:41 tombe dans le nazisme, qui est un processus d'effondrement de la civilisation et d'un retour à une violence pure, sans limite, avec la destruction que nous connaissons.
06:52 Pourquoi je trouve que c'est juste, en partie, si on veut essayer d'aborder les choses sérieusement, et si en plus on peut mettre une dose de science sociale
07:01 dans le monde politique et dans le débat public français, c'est génial, parce que je pense que c'est le grand impensé, le grand angle mort des partis politiques,
07:09 et en particulier de la gauche dont je proviens, d'avoir oublié qu'il y avait du social, au sens où l'entendait le fondateur de la sociologie moderne, le français Émile Durkheim.
07:17 Pourquoi c'est intéressant, je pense, de parler de décivilisation, même si je ne crois pas du tout à une décadence de notre société, de notre pays, de l'Europe ?
07:23 Je pense qu'on a des périples devant nous, mais je trouve que c'est intéressant sur le plan national, la décivilisation, parce que c'est une alerte que lance le président de la République,
07:30 et ça peut-être, c'est ça le mérite d'exister et de réfléchir, c'est que quand on prend le cas de figure terrible, tragique, de l'accident de voiture,
07:38 par ces deux individus qui étaient sous cannabis, plus sous alcool, et qui ont tué trois policiers, dont le conducteur s'est tué lui-même.
07:48 Pourquoi on peut parler de quelque chose qui a à voir avec la pensée de Norbert Hellea en matière de décivilisation ?
07:53 Parce qu'il considère que la civilisation, ce processus de civilisation, c'est justement le fait que la société, du fait des interdépendances qui existent chez les individus,
08:03 ça fait que nous créons des autocontraintes nous-mêmes, pour limiter les actes de violence envers nous-mêmes, parce que nous avons besoin les uns des autres pour faire société.
08:11 Et là précisément, dans ce cas précis qu'on voit tous les jours et qu'on discute avec vos auditeurs, c'est ce relâchement-là, d'épulsion, de la violence.
08:20 Ce relâchement de l'autocontrainte qu'ont les individus, quand on prend une bagnole et qu'on va conduire, on doit aussi penser aux autres.
08:26 Donc c'est un peu le signe de cet individualisme qui pousse, justement, peut-être pas à la barbarie, peut-être pas encore à la décivilisation,
08:34 mais à un relâchement d'épulsion, parce qu'on a du mal à considérer l'autre comme devant être respecté, on pense qu'à sa gueule, quoi.
08:42 Et c'est ça peut-être le début, non pas de la barbarie, mais d'un relâchement de l'autocontrainte qui font que les individus se respectent et qui fait que la société est possible.
08:49 Et deuxième plan, et c'est plus important et plus dangereux, je pense que la question de la décivilisation, elle me semble importante pour essayer de comprendre ce qui se passe au plan géopolitique.
08:59 Parce que si ce que fait M. Poutine, avec sa guerre contre l'Ukraine, si c'est pas un processus de décivilisation qui est en cours avec le retour de la guerre meurtrière de type seconde guerre mondiale,
09:09 alors je ne sais pas ce que c'est. En face, nous avons la Chine, c'est pas la décivilisation, mais c'est un autre modèle de civilisation que le nôtre.
09:16 Que disent les Chinois ? Vos histoires d'humanistes, vos histoires des Lumières, vos histoires de droit de l'Homme et de démocratie, c'est pas l'histoire de la civilisation de la Chine.
09:25 Nous avons d'autres normes à proposer au monde entier et à nous-mêmes, et on va pas dépendre de vos histoires, de votre modèle de civilisation démocratique, tolérante et humaniste fondé sur les Lumières,
09:35 donc sur la connaissance qui a permis la sociologie. Donc là, je crois que si on veut analyser tranquillement, sans polémique, sans démagogie,
09:43 je pense qu'il faut vraiment revenir à la question de la civilisation et qu'on se demande pourquoi quelqu'un comme Edgar Morin, il y a une dizaine d'années, disait qu'il faut une politique de civilisation.
09:52 - Justement, mais oui, mais pas celle de... - Je crois que c'est le rôle des pays européens et en particulier de la France.
09:57 - Je ne suis pas persuadé qu'il faille invoquer Norbert Elias pour des banalités de ce genre. Je veux dire, on comprend bien que depuis quelques années...
10:08 - C'est la question sociale, chef Philippe. - ...de révéler les banalités de l'existence quotidienne dans la société.
10:13 - Non, non, non, je ne vous parle de rien. - Je ne les tourne pas en dérision, mais je ne les tourne pas en dérision.
10:18 Je dis qu'il est évident qu'au fil des années, on peut constater en effet que le collectif donne lieu plutôt à une autarcie individuelle et que l'individu ne se fixe plus aucune limite.
10:32 - Il n'y a pas besoin d'invoquer Norbert Elias. - Et en même temps, c'est assez faux parce que...
10:39 - Je finis juste là-dessus. Et d'autre part, Emmanuel Macron, en utilisant ce concept, en semblant l'appliquer à des actes qui viennent de se dérouler,
10:53 peut-être donne une ampleur excessive à ce concept, alors que j'y crois profondément. En tout cas, on y bascule.
11:01 - Pour terminer, juste, je voudrais aussi déconstruire, c'est-à-dire dénoncer la récupération idéologique par des intellectuels réactionnaires comme Renaud Camus,
11:11 ce détournement frauduleux de l'idée de décivilisation telle qu'elle est inspirée et produite par les sociologues et les penseurs à la suite de Norbert Elias.
11:20 Parce que là, c'est un détournement qui est le signe plutôt d'une faiblesse de la gauche qui n'arrive même plus à prendre les meilleures armes intellectuelles qu'elle a à ses dispositions dans la connaissance du monde social
11:30 pour essayer justement de contrer les idéologues réactionnaires qui détournent décivilisation, qui détournent d'autres concepts et qui font du mal.
11:38 - Premièrement, d'abord Edgar Morin, moi j'ai travaillé beaucoup avec lui sur les politiques de civilisation, c'est Ségolène Royal qui les a lancées, donc tu tombes très bien.
11:46 Évidemment, rien à voir avec tout le liaûs et le charabia que tu fais en défend, si tu veux, complètement disjoncter, désazimuter au sens premier de l'azimuth, de ce concept de décivilisation.
11:58 Tu nous parles des nazis-mélomanes, parce que c'est ça Norbert Elias, Georges Tenor a enchaîné là-dessus, si tu veux qu'on aille sur les sciences sociales, sur le paradoxe des nazis.
12:06 - Oui, je pense qu'il faut aller sur les sciences sociales au lieu de faire du blabla, comme on l'a entendu tout à l'heure.
12:09 - Mais le paradoxe des nazis-mélomanes, c'est pas du tout ça le sujet. Tu nous parles d'un accident de bagnole où trois enfants sont morts et tu arrives à la Chine.
12:14 - Mais l'autocontraint et l'autolimite qu'on se fixe, je pense qu'il y a un sujet dans la société d'aujourd'hui, qui est un peu par décasence. - Écoutez-vous, parce que l'auditeur que j'entends parmi vous termine, ça n'a rien à voir avec la décivilisation, ça n'a rien à voir avec ce que tu mélanges.
12:26 Et alors en plus, avec la Chine, la Chine qui considère qu'elle a une civilisation qui est trois fois millénaire, ça n'a rien à voir même avec nos droits de l'homme.
12:32 Donc tu peux pas, dans une espèce de salmigandie de la pensée, tout ramasser... - Et Poutine et la guerre en Ukraine, ça vous rappelle pas la barbarie nazie ?
12:38 - Mais Poutine et la guerre... - Et donc la décivilisation, l'effondrement de la civilisation, c'est juste parce qu'il a pas les moyens d'aller plus loin pour le moment.
12:46 - Non, non, moi je crois pas du tout que Vladimir Poutine soit dans une stratégie industrielle d'élimination d'un peuple. Là, excuse-moi de te le dire...
12:54 - Mais elle a dit de parler de dénazification comme elle de l'Ukraine. - Non, non, mais moi je te parle pas de ça. Je pense pas du tout, je déteste Vladimir Poutine.
13:02 - Je pense que c'est le retour de la violence, de la guerre, donc de la décivilisation. - Mais elle n'a jamais quitté le territoire européen !
13:07 - La guerre, c'est la décivilisation. - On dirait que tu te fais comme si la guerre en Yougoslavie n'avait pas existé. Moi je l'ai couverte !
13:12 - C'est la barbarie, c'est la décivilisation aussi. - Allez, écoute, tenez, c'est bon.
13:14 - Allez, Sébastien Ménard ! - Non, Poutine n'a aucun argument qui tient de l'eau, c'est incohérent.
13:18 - Non, mais tu as le droit d'être en désaccord, mais... - Non, non, c'est incohérent.
13:20 - Ce qui est intéressant, c'est qu'on intellectualise ici ce soir des choses... - C'est bien ? - Non, mais je dis pas que c'est pas bien. Mais des choses qui sont simples.
13:29 Les gens sont de plus en plus cons, de plus en plus dangereux avec eux-mêmes, avec les autres, et que ça a des conséquences de plus en plus graves.
13:36 - Pourquoi tu dis "cons" ? - Mais parce que, je pourrais le dire autrement. - Les gens sont cons. Tu crois que c'est un argument, ça ?
13:41 - Je peux le dire, je peux le dire si tu veux autrement. Les gens sont de plus en plus individualistes.
13:46 Comme l'a dit Eduardo, les gens sont quelque part de plus en plus, quelque part, très perso, c'est tout pour leur gueule,
13:54 sans nécessairement, quelque part, considérer, apprécier les vraies conséquences que ça peut avoir sur les autres,
14:01 parfois mortifères, et les conséquences que ça a sur la société. Et quand on en est à ça, voilà, quand on en est à ce niveau-là,
14:08 oui, on peut dire que on ne fait plus société, et si on ne fait plus société, on ne fait plus civilisation. Voilà.
14:14 - C'est vrai, et c'est... - Je rappelle juste un mot de Norbert Elias qui permet aux gens peut-être de comprendre un peu sa pensée,
14:19 parce qu'il cherchait surtout à dépasser la contradiction ou l'opposition société-individus.
14:24 Il a cette phrase formidable, il y a un livre qui s'appelle "La société des individus", je recommande à tout le monde,
14:28 il dit "Il n'y a pas d'individu sans société, il n'y a pas de société sans individu. On dépend l'un de l'autre."
14:33 Et c'est là-dessus, dans cette interdépendance, que se créent des relations, donc une diminution de la violence, dans le cours de l'histoire.
14:41 Et je crois, je suis désolé, à la fois je pense qu'il n'y a pas de décadence générale de notre société, mais il y a des risques devant nous.
14:48 L'individualisme, la société de consommation à tout va, cette négation de l'autre...
14:54 - C'est pas bon. - Je vais défendre à Sébastien, juste en une minute, pour dire, on devient de plus en plus con,
15:01 donc d'abord c'est pas un argument, et puis les choses disent le contraire.
15:05 Regarde par exemple la capacité de générosité d'une société comme la société française.
15:09 - Je partage. - Même la société italienne, qu'on dit profondément raciste,
15:13 qui est capable d'aider à un moment donné les ukrainiens, d'accueillir 150 000 personnes, qui est capable de se retrouver.
15:19 Moi je pense que le tableau que vous dressez de la société, volontairement, politiquement, est un tableau qui n'a rien à voir avec la réalité.
15:26 - Et vous permissez de faire une remarque pour revenir sur Sébastien Ménard.
15:29 Moi quand je vois que le week-end dernier, vous avez trop de personnes qui meurent sous des rafales de kalachnikovs à la sortie d'une boîte de nuit à Marseille.
15:35 Un gamin, brillant, dentiste, qui se fait tuer à coups de couteau par 10 personnes,
15:41 un débile sous cannabis et sous alcool, qui tue 3 flics,
15:45 et comme je vois la vie... Non, on ne tue pas... L'an dernier il y a eu 22 morts à Marseille, on est déjà à plus.
15:51 Donc il y a quand même une décivilisation de la France.
15:54 - Oui Philippe, non, alors je suis d'accord avec vous, il y a un accès de violence nouveau
15:59 lié au crime organisé et à des règlements de contre-clans.
16:04 Mais ce n'est pas nouveau à Marseille, la French Connection ça existait,
16:07 là c'est une nouvelle phase, une nouvelle idée de nouvelle génération peut-être plus violente qui arrive plus tôt.
16:12 C'est tout à fait vrai, il y a un sujet... - Mais vous ne pouvez pas y être quêtés comme ça.
16:14 - En revanche il y a un truc paradoxal, il y a quelque chose de paradoxal.
16:17 - Le juge Michel il s'est buté, il a le droit de buter dans le bar, mais qu'est-ce que vous racontez ?
16:20 - En parlant de science sociale, je vais vous donner des statistiques.
16:22 - Arrêtez de parler tous en même temps. - La sécurité routière, puisqu'on parle de cet accident horrible qui nous a tous choqués
16:26 et qui est absurde, qui a tué trois policiers et le conducteur lui-même sous stupéfiant et alcool.
16:31 Les chiffres de la sécurité routière au cours de ces dernières années ont diminué.
16:35 Quand j'avais 20 ans, c'était 10 000 morts sur la route par an, aujourd'hui c'est 3000.
16:38 Et il y a 40 ans c'était 18 000 morts.
16:41 Grâce à chaque chirac et à l'action continue qui a été menée, on a civilisé quand même les comportements sur la route.
16:46 Il faut le dire. - Mais si t'es pas d'accord avec ça.
16:49 Que globalement les choses ont diminué, que globalement... - Ça veut dire que quand on travaille...
16:53 - Que globalement la société fait le boulot, et bien on réduit la barbarité. - Edouard Daud, s'il vous plaît.
16:58 - Si il était député, il parlerait encore plus. - Laissez parler de Philippe Bigert.
17:03 - François, moi je crois que votre point de vue n'est pas contradictoire paradoxalement avec le sentiment d'une totale décadence.
17:12 - Je crois pas que tu as la décadence. - Non mais moi j'y crois, et c'est pour ça que j'aurais préféré un terme "décadence".
17:18 Mais évidemment il était trop connoté réactionnaire pour Emmanuel Macron.
17:23 Tout de même, Françoise, il me semble qu'on peut accepter l'idée qu'il y avait ponctuellement des incommodités, des tragédies hier,
17:34 mais qu'aujourd'hui elles sont devenues un système... - Moi je suis pas d'accord avec vous.
17:38 Je pense qu'il y a un focus très profond sur les faits divers et qui sont tous tragiques.
17:43 Mais je pense que si on faisait le même focus sur tout ce qui se déroule de bien, il y a des actions extraordinaires dans ce pays.
17:50 Vous comprenez ? On ne fait jamais un signe égal entre les deux.
17:54 Moi je n'ai pas envie de ce discours parce qu'il n'existe pas. La France n'est pas un pays en décadence.
17:59 - François, là où tu as raison c'est qu'il y a des gens formidables qui font des choses formidables en France, et tant mieux.
18:04 - Et les policiers... - Il faut se constater qu'on n'a jamais eu autant de crimes crapuleux.
18:09 - Les statistiques disent pas ça. - On a des mamies qui parce qu'elles sont juives se font massacrer dans leur appartement.
18:15 - Vieux comme le monde. - Mais c'est vieux comme le monde.
18:17 - L'anti-sénitisme. - En tout cas du haut de mes 44 ans, ayant suivi l'actualité depuis la fin des années 60...
18:22 - Et l'analyse, ça te dit rien il y a 15 ans ? - Mais oui !
18:24 - Là on est dans les gaz et cis, François. - Mais c'est pas fini.
18:28 Et malheureusement notre société est trop permissive, et c'est plutôt quelqu'un raisonnable,
18:34 plutôt au centre qui te dit ça, notre société est trop permissive.
18:37 Et quand notre société est trop permissive et qu'elle a plus de règles,
18:41 on laisse quelque part le champ à des tas de tarés qui nous adressent des messages barbares.
18:46 - 10 secondes, 10 secondes Edouard Dau. - Je ne crois pas à la décadence telle que les idéologues réactionnaires nous l'inventent,
18:51 Zemmour et Renaud Camus, je crois en revanche à un risque de dépendance pour la France et pour l'Europe
18:57 vis-à-vis de forces politiques de pays qui eux sont autoritaires et qui n'auraient pas de régime démocratique.
19:03 Je crois qu'il faut, d'où l'idée d'autonomie stratégique pour notre indépendance alimentaire, énergétique, sécuritaire, industrielle, commerciale.
19:12 Je crois que c'est la dépendance dont nous devons aujourd'hui avoir peur.
19:16 - Merci beaucoup Edouard Dau, Rian Cipel d'avoir été avec nous, ancien député, porte-parole de Territoire de Progrès et maître de conférence à Sciences Po.
19:23 J'ai l'impression d'avoir couru une heure tellement... - Non mais c'était bien, écoute c'était bien, on a fait de la sociologie, c'était bien.

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