Les politiques dans les talk-shows : «des interviews confortables»
Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages.
Retrouvez "Télescopages, Bruno Donnet décrypte l'actualité vue par les médias" sur : http://www.europe1.fr/emissions/telescopages
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00:00 - Culture Média sur Europe en filibandelle.
00:03 - Dans un instant on recevra l'animatrice Agathe Le Caron pour nous raconter son premier
00:06 prime time, c'est-à-dire demain soir sur France 3, Chemin de Traverse.
00:09 Mais d'abord c'est l'heure des télescopages de Bruno Donnet.
00:12 Bonjour Bruno.
00:13 - Bonjour Philippe.
00:14 - Tous les jours Bruno, vous observez ici la fabrique médiatique et ce matin vous vous
00:16 êtes posé une question très intéressante.
00:18 Pourquoi les ministres sont-ils si heureux quand ils sont invités à la télévision
00:23 dans des talk-shows ?
00:24 - Oui, pourquoi nos ministres font-ils la gueule lorsqu'ils sont invités dans des émissions
00:27 strictement politiques et à ce point hilares quand on les voit dans des programmes de divertissement.
00:32 - C'est vrai.
00:33 - Alors pour tout vous dire Philippe, cette question-là m'est venue en observant deux
00:36 séquences extrêmement récentes.
00:38 La première, elle m'est tombée sous la rétine hier soir.
00:40 Christophe Béchut, qui est le ministre de la Transition écologique, était l'invité
00:44 de l'émission quotidien.
00:45 Yann Barthès l'a salué et la toute première question qu'il lui a posée a été celle-ci.
00:49 - Le grand public vous connaît encore peu d'ailleurs.
00:51 Est-ce que vous participez toujours au dîner des ministres dit invisible avec François
00:56 Braune et Pape Ndiaye ?
00:57 - Bref, il lui a fait remarquer, un rien gogneur, qu'il était en mal de notoriété.
01:01 Ce à quoi Christophe Béchut lui a répondu ceci.
01:03 - Je suis ravi d'être ici, je ne doute pas que ça permet de se faire entendre d'une
01:07 autre manière.
01:08 - Je ne doute pas qu'être ici me permette de me faire entendre d'une autre manière.
01:11 En d'autres termes, l'invisible ministre de l'écologie, apostrophé sur sa transparence,
01:15 a avoué qu'il était venu là tout simplement pour se faire mieux connaître.
01:19 Il a pris une vanne en pleine poire d'entrée de jeu, il y a répondu, mais à aucun moment
01:23 qui que ce soit ne lui a fait remarquer que s'il était à ce point méconnu, c'était
01:27 peut-être, parce que son action politique était totalement nulle.
01:30 Un échange équilibré donc, pour tout le monde, gagnant-gagnant, en un mot, confortable.
01:35 Bien.
01:36 Et la deuxième séquence maintenant, je l'ai découverte samedi soir.
01:39 Cette fois-ci, c'est le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, qui était l'invité de
01:42 l'émission « Quelle époque ? » sur France 2.
01:45 Christophe Dechavanne, gogneur lui aussi, a commencé par lire un passage érotique de
01:49 son dernier roman.
01:50 « Elle gémit, je fis glisser son maillot et la pénétrait doucement.
01:54 Elle gémit encore, je la pénétrais plus profondément.
01:57 » Le public a souri et puis Dechavanne a enchaîné
02:00 avec un autre extrait nettement plus hard, attention, éloignez les enfants du poste.
02:05 « Et elle demandait sur un ton innocent, quand est-ce que tu m'encules ? »
02:08 Cette fois, le public a carrément éclaté de rire et l'humoriste Mathieu Madénian
02:16 s'est bien foutu de la gueule du ministre en le renvoyant à cette chère inflation.
02:19 « Bruno, le prix des pâtes, ça casse ! »
02:22 « C'est pas en train de nous enculer ! »
02:26 Bruno Le Maire a ri lui aussi, puis il a répondu, non pas sur ses problèmes de slip, mais
02:32 sur le prix des nouilles.
02:33 « J'essaye d'être juste, de faire attention à ce que les prix baissent pour le consommateur,
02:39 parce que j'ai moi-même une famille nombreuse, j'ai quatre enfants à nourrir et je paye
02:42 beaucoup de prix de paquets de pâtes.
02:44 Et je sais parfaitement à quel point ces prix sont devenus insupportables pour les Français.
02:47 »
02:48 Le ministre a cherché la connivence, la proximité avec les Français qui ont du mal à joindre
02:52 les deux bouts.
02:53 Et parce qu'ici aussi, le dispositif est extrêmement confortable, personne ne lui
02:57 a fait remarquer que son salaire s'élevait tout de même à 9 940 euros par mois.
03:02 Ça en fait des paquets de pâtes.
03:03 Et pareil lorsqu'il a évoqué les producteurs de lait.
03:06 « Mais je ne veux pas qu'au bout du compte, ce soit le petit producteur de lait qui trinque
03:11 parce qu'on lui aurait serré le kiki et on l'aurait empêché de vivre comme des chavaliers. »
03:15 Christophe Dechaval lui a fait remarquer rapidement qu'ils étaient en difficulté.
03:19 « Pardonnez-moi, c'est le cas, Bruno Le Maire, c'est le cas.
03:22 Je ne veux pas que le producteur… c'est le cas.
03:25 Ils sont étranglés. »
03:26 Mais pour autant, personne sur le plateau n'a contredit le ministre de l'économie
03:30 lorsqu'il a enchaîné avec cette énorme inepsie.
03:33 « Je ne crois pas.
03:34 Je pense que pour les producteurs de lait, aujourd'hui, justement, le prix est décent.
03:38 Je ne dis pas qu'il est mere au bol, il est décent. »
03:40 Personne ne lui a fait observer qu'il venait de dire une ânerie monumentale parce que
03:43 les producteurs vendent leur lait 45 centimes le litre alors qu'ils en réclament 54,
03:48 parce qu'ils survivent grâce aux primes que leur verse l'Union Européenne et parce
03:52 que tous les jours, en France, 27 exploitants agricoles mettent la clé sous la porte, tous
03:56 les jours, tout simplement parce qu'ils ne s'en sortent plus ou l'on comprend,
04:00 Philippe, que le talk show est au ministre, ce que la passoire est aux nouilles, un format
04:05 très pratique qui ne retient que ce qui est bon pour lui et laisse passer tout le reste.
04:09 Merci beaucoup Bruno Zonnet, à demain !