Retour à Reims (Fragments) : Adèle Haenel donne de la voix pour un documentaire passionnant et engagé

  • il y a 2 ans
Dans son film, le réalisateur Jean-Gabriel Périot adapte l’essai éponyme de Didier Eribon. Dans son ouvrage, publié en 2009, le sociologue et philosophe y décrit son milieu social - la classe ouvrière -, l’histoire de sa famille et son parcours de transfuge de classe.

Présenté à la Quinzaine des réalisateurs au 74e Festival de Cannes, le long métrage n’est pas une adaptation traditionnelle. Pour donner un nouveau souffle aux écrits de l’auteur, le cinéaste engagé utilise des extraits de films de fiction, de documentaires ou encore de journaux télévisés. Pour dénicher les moments rares, ceux qui illustrent au mieux l’essai d'origine, Jean-Gabriel Périot a épluché des heures d’images d’archives et ce, pendant des mois.

“La difficulté n’est pas d’y avoir accès car grâce à l’INA, on peut retrouver tout ce qui a été diffusé depuis la création de télévision française, assure le metteur en scène. Ici, le problème c’est la masse de sources.” Bien que Retour à Reims (Fragments) ne s’intéresse qu’à quelques axes bien précis du texte de Didier Eribon, les sujets abordés sont multiples : le travail des femmes à l’usine, l’avortement illégale… “Il faut tout visionner pour ne rien rater et je vous assure que les films sur le divorce dans les années soixante-dix, ce sont des moment d'ennuis.”

Au cours de son travail, Jean-Gabriel Périot a mis le doigt sur les images qui manquent, celles qui ne sont jamais montrées. “On ne voit jamais ceux qui travaillent le bois ou les femmes de ménage, déplore-t-il. Même dans les films faits par le Parti communiste français (PCF) ou les réalisateurs engagés, il y a quand même des sots métiers. La femme de ménage, c’est la honte absolue, on en parle même pas.”

Avec Retour à Reims (Fragments), c’est la première fois qu’Adèle Haenel incarne la voix-off d’un long métrage. En lisant les mots de Didier Eribon, elle souhaite “soutenir le propos et y insérer, par l’interprétation, [son] point de vue.” Elle poursuit : “Le film a la grande qualité d’être clair. Il s’articule en deux mouvements : on parle d’abord l’expérience familiale et on explore les branches généalogiques à travers deux générations pour comprendre ce qu’est le déterminisme social, le poids de la classe.”

“Ensuite, dans la deuxième partie, ce que je trouve intéressant, c’est la question des alliances. Comment une tentative de silenciation d’une classe ouvrière, à tendance révolutionnaire, aboutit à une refonte des alliances au point de vue national, poursuit-elle. Et également, comment le capitalisme et le nationalisme marchent main dans la main avec le racisme.”

Beaucoup d’images du film marquent les esprits. Certaines sont rares, d’autres difficiles à voir, comme celles des enfants au travail. “C’est tragique de se dire qu'ils étaient déjà considérés corvéables, soumis à la question de la plus-value, explique Adèle Haenel. Et il y a cette femme qui décrit son travail à l’usine. Ce sont des témoignages qu’on l’entend jamais en parole directe.”

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