Benzema et le piège des statistiques ethniques

  • il y a 8 ans
A en croire Karim Benzema, s’il n’a pas été sélectionné pour jouer l’Euro de football, c’est parce que Didier Deschamps aurait cédé à la pression "d’une partie raciste de la France". C’est peut-être Jean-Pierre Papin, l’ancien buteur des Bleus et de l’OM, qui a eu la meilleure réplique, tripale : "Ça fait peur!"

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Si Benzema n’a pas été sélectionné, c’est parce qu’il est mêlé, en l’état, à une affaire de chantage à la sextape dont a été victime son ex-coéquipier Matthieu Valbuena. Une affaire pas reluisante, toujours à l’instruction, dont les protagonistes sont donc présumés innocents. On verra.

L’écart se creuse entre la France d’en haut et la France d’en bas

Si c’est n’était triste à pleurer, ce serait du plus grand comique que d’apprendre, par Benzema interposé, que l’équipe de France aurait été sélectionnée par un homme qui serait sous emprise "raciste". Passons, ça vaut mieux.

On n’a pas attendu Benzema pour savoir que, dans la France en crise et en mutation, où l’écart se creuse entre la France d’en haut mondialisée et la France d’en bas perdue, il y a, comme l’a dit la ministre du Travail Myriam El Khomri, "des discriminations liées aux origines". Qui, parfois, s’aggravent.

Alimenter la machine à divisions

Pourquoi ce qu’a enclenché Benzema "fait peur"? Parce que cela alimente la machine à divisions et à suspicions dans une France qui doute d’elle-même, et où trop soupçonnent déjà le voisin de n’être pas "comme il faut". Parce que cela fait écho au discours de Jean-Marie Le Pen qui, le premier, cataloguait les joueurs non en fonction de leurs talents ou de leur complémentarité, mais en fonction de leurs origines (trop de ceci, pas assez de cela).

Parce qu’il est injuste et dangereux de ramener l’ensemble des Français – qui, souvent, se posent des questions sur le vivre-ensemble (droits et devoirs pour tous, sans exception) - à l’éternelle petite minorité raciste, répertoriée et marginale.

La tentation des quotas

Enfin, parce que cela nourrit le communautarisme à l’anglo-saxonne, qui entend bousculer puis supplanter la laïcité à la française. Qu’a dit en effet implicitement Benzema? Qu’il aurait fallu, indépendamment de la cohérence de l’équipe et des talents individuels, un quota de joueurs d’origine nord-africaine. Pour que tout le monde y trouve son compte.

Alors ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, questionné à Des paroles et des actes sur la possible création en France de quotas ethniques, avait répondu, il est vrai : "Oui, ce serait une bonne idée". Avant de se rétracter trois semaines plus tard.

Benzema aurait dû être le porte-drapeau d'une génération

En 2001, la Fédération française de football avait organisé au stade de France un match amical France-Algérie. Après l’envahissement du terrain à un quart d’heure de la fin, il ne s’est jamais terminé. Il s’était déroulé jusque-là, y compris au moment des hymnes, dans une ambiance plus que tendue.

Le paradoxe en 2016, c’est que l’homme qui aura jeté de l’huile sur le feu, c’est celui qui, de Lyon jusqu’au Real Madrid, aurait dû être le porte-drapeau d’une génération de footballeurs prouvant - même quand l’ascenseur social et celui de l’intégration sont en panne - que qui veut peut. Mais, avec lui qui ne pense qu’à lui, on est loin du compte. Très loin même.

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