Jean Ferrat-J'entends j'entends (poème d'Aragon)

  • il y a 9 ans
En 1971 sort l’album « Ferrat chante Aragon » qui sera vendu à deux millions d’exemplaires :
Jean Ferrat y propose des versions nouvelles des chansons sur des poèmes d’Aragon qu’il avait déjà enregistrées auparavant
Elles le sont toutes sur des poèmes récents d’Aragon puisque « j’entends j’entends » chanté en 1961 était écrit sur un poème de l’année précédente extrait du recueil « Les poètes »
Il exprime la difficulté pour un poète (et un militant) de communiquer avec ses lecteurs, d’être compris et entendu, nous délivre ses espoirs humanistes pour arriver à changer le monde pour qu’il soit meilleur, sa volonté d’être utile tout en regrettant une forme d’incapacité (c’est un rêve irréalisable comme il le dit à la fin du poème !)
Pour « j’entends j’entends » Ferrat a sans doute écrit une de ses plus belles musiques (Le poème et la musique sont totalement en osmose) C’est une chanson pour laquelle j’ai eu un coup de cœur déjà enfant : même si bien sur je ne comprenais pas alors toute la subtilité du texte, j’en appréciais la musique et la sonorité des mots !
Cela faisait longtemps que j’en avais envie de m’y coller et c’est chose faite avec cet accompagnement que je viens d’écrire pour le piano


J’en ai tant vu qui s’en allèrent
Ils ne demandaient que du feu
Ils se contentaient de si peu
Ils avaient si peu de colère
J’entends leurs pas j’entends leurs voix
Qui disent des choses banales
Comme on en lit sur le journal
Comme on en dit le soir chez soi
Ce qu’on fait de vous hommes femmes
O pierre tendre tôt usée
Et vos apparences brisées
Vous regarder m’arrache l’âme

Les choses vont comme elles vont
De temps en temps la terre tremble
Le malheur au malheur ressemble
Il est profond profond profond
Vous voudriez au ciel bleu croire
Je le connais ce sentiment
J’y crois aussi moi par moments
Comme l’alouette au miroir
J’y crois parfois je vous l’avoue
A n’en pas croire mes oreilles
Ah je suis bien votre pareil
Ah je suis bien pareil à vous

A vous comme les grains de sable
Comme le sang toujours versé
Comme les doigts toujours blessés
Ah je suis bien votre semblable
J’aurais tant voulu vous aider
Vous qui semblez autres moi-même
Mais les mots qu’au vent noir je sème
Qui sait si vous les entendez
Tout se perd et rien ne vous touche
Ni mes paroles ni mes mains
Et vous passez votre chemin
Sans savoir que ce que dit ma bouche

Votre enfer est pourtant le mien
Nous vivons sous le même règne
Et lorsque vous saignez je saigne
Et je meurs dans vos mêmes liens
Quelle heure est-il quel temps fait-il
J’aurais tant aimé cependant
Gagner pour vous pour moi perdant
Avoir été peut-être utile
C’est un rêve modeste et fou
Il aurait mieux valu le taire
Vous me mettrez avec en terre
Comme une étoile au fond d’un trou

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